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Il me paraît qu’on s’attache plutôt à augmenter les connaissances des « demoiselles » de la bourgeoisie qu’à apprendre à lire et à écrire aux fillettes du peuple.

Heureusement, en ce qui concerne ces dernières, pour la lecture, la curiosité de déchiffrer les romans d’Émile Richebourg, et, pour l’écriture, la nécessité de donner des rendez-vous (comme toutes vos descendantes, ô Ève, vous ressemblent !), sont là, et suppléent au manque d’instructeurs nationaux.

Mais je ne veux parler ici que des lycées de demoiselles, de l’instruction secondaire des filles.

Je ne me placerai pas dans les rangs des détracteurs des établissements disposés, à l’instar des « bahuts » de « potaches, » ad usum puellarum.

Je me permettrai seulement de signaler une considérable lacune que présentent, à mon sens, tous les programmes

On parle de ceci, de ça, de bien d’autres choses encore. On se livre à une énumération de sciences capable d’épouvanter Pic de la Mirandole. On projette d’enseigner aux lycéennes les langues — même mortes — et les mathématiques, et l’histoire — depuis les temps les plus reculés (reculés dans quoi ?) jusqu’à nos jours, — et la cosmographie, et la chimie, et l’enthousiasme pour Sophocle et la pâmoison devant Virgile…

Gardons-nous bien de transformer ces demoiselles en un tas de Philamintes et de Bélises…

D’autant plus que nous sommes prêts à les embrasser (les jolies) pour l’unique amour d’elles et pas du tout pour l’amour du grec.

Bref, on se préoccupe d’une foule de choses, — sauf d’un point, à mon humble avis, essentiel.

Agissant comme on a l’air de le préméditer, que ferait-on des jeunes filles ?

Les riches deviendraient pédantes ; les moins bien partagées sous le rapport de la fortune ne seraient bonnes qu’à faire des institutrices. Sont-ce là les finalités de la femme ?

Point du tout. La femme pédante est odieuse, glacerait le désir dans l’âme de don Juan, ferait fuir à cent lieues Priape.

Institutrice ? Quelle position, hélas ! On a mille fois retracé les souffrances de la femme dans cette condition, répété combien on lui manque de respect, à quels assauts elle est continuellement en butte.