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chaque gambade faisait rendre à ses tibias un bruit de castagnettes ou de bois sec qu’on casse.

« Victoire ! s’exclama-t-il quand il put enfin dominer son émotion. Le voilà, le motif de la défection d’Orlando da Chulojatto ! Je le tiens, ce quarante-troisième mémoire qui m’ouvrira l’Institut ! Cette lettre qui date de trois siècles et demi me met sur la voie de… »

Et déjà, interrompant sa phrase, installé devant sa table de travail, il prouvait, dans une élucubration transcendantale, avec pièce à l’appui, qu’Orlando follement épris de Magdeleine de Poitraillacq, une des nombreuses châtelaines françaises qui avaient suivi leurs époux en Italie, n’avait pu obtenir les faveurs de cette honneste dame qu’en trahissant les Italiens et en passant aux Français ; la conduite du marchese Orlando était élucidée !

— Oui, cher ami, disait, quelques semaines plus tard M. de Lansalumey à Maxence Gla, je vais vous faire admirer mes collections ; et d’abord jetez un coup d’œil sur cet inestimable document, au sujet duquel je vous conterai certaine aventure bizarre que je n’ai jamais pu m’expliquer.

Et il retira d’un écrin une petite feuille maculée et lépreuse qu’il plaça sous les yeux de sa femme et de son ami. Celui-ci pâlit soudain. « Monsieur, dit-il froidement, je vois que vous savez tout, je ne nierai rien, je suis à vos ordres, j’attends vos témoins.

— Désastre ! balbutiait en même temps Magdeleine. Découvert ! découvert le billet que j’écrivais à Maxence pour qu’il vînt me prendre au Théâtre-Français ! Je suis perdue ! » Puis elle s’évanouit dans un crapaud.

— Au secours ! clamait le savant affolé. Ma femme ! mon ami ! qu’avez-vous ? pourquoi ce langage ?…

Et tandis que la camérière faisait respirer à sa maîtresse les sels les plus énergiques et dégrafait son corsage M. de Lansalumey, qui décidément n’y comprenait rien, disait à Maxence :