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L’autre, c’était l’orgie étincelante et folle,
Le beau démon qu’on cherche et qu’on fuit tour à tour,
Adèle, c’était l’ange et l’idéal symbole
De l’amour.

L’autre c’était le corps bestial et splendide
Que l’on cueille et qu’on mord ainsi qu’un fruit tentant,
Adèle, c’était l’âme innocente et candide
Qu’on attend.

Elle avait l’âge exquis, où la raison s’éveille,
L’âge rose et naïf du bonheur enfantin ;
À son front souriait la caresse vermeille
Du matin.

Nul frisson ne courait sur sa chair virginale,
Où les désirs bridants dormaient ensevelis ;
Rien encor n’agitait la corolle aromale
De ce lys.

Il l’aimait tendrement, cette blonde orpheline,
Les songes dans son cœur posaient leur doux essaim,
Quand l’enfant accourait et s’appuyait, câline
Sur son sein.

Aigle et colombe avaient tous deux la même chaîne.
Il l’aimait comme l’ombre aime l’oiseau parleur ;
Un sort mystérieux enlaçait à ce chêne
Cette fleur.

Tous les deux en chantant voguaient sur la même onde,
Elle, attachant sur lui ses yeux questionneurs,
Lui, rêveur, et déjà se forgeant tout un monde
De bonheurs.