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sait avec tant d’ardeur ses lèvres entr’ouvertes qu’il la faisait rougir, et que malgré le plaisir qu’elle en avait, elle était fâchée.

V

Il y avait déjà cinq ou six jours que Perlette était à la ferme et ils auraient pu en rester peut-être encore autant et davantage même à s’aimer ainsi, sans une circonstance imprévue que le petit dieu d’amour, sans doute, se plut à faire naître et qui fut cause… Enfin, tôt ou tard, puisque cela devait arriver !

Voici donc :

Chaque matin, avant que l’on fut sur pied à la ferme, Métalli venait au jardin pour y cueillir quelques fraîches roses, puis il les déposait sur l’appui de la fenêtre de Perlette. Elle, en s’éveillant, les trouvait, les respirait avec amour, puis s’en fichait une dans scs cheveux, ce qui faisait que Métalli la trouvait encore plus jolie.

La chambre de Perlette avait une fenêtre s’ouvrant sur le jardin. Or, un matin que Perlette, après avoir été appelée par la mère Jeanne, s’était oubliée dans quelque rêve charmant, Métalli prit une échelle, l’appuya contre la croisée et grimpa lestement. Plongeant curieusement son regard dans la chambre de la paresseuse, que vit-il alors ? Perlette, sa chère Perlette endormie sur sa couche de guéret. Dans l’agitation de la chaude nuit, les draps étaient tombés, et elle reposait demi-nue, fraîche et rosée. Métalli la comtempla longument, n’osant l’éveiller tant il la trouvait bien ainsi, et remerciant Dieu d’avoir fait la femme si belle.

L’aurore, à l’orient, semblait rougir pour la jeune fille, une chaude odeur de bouc montait des bergeries et se mêlait aux senteurs du jardin où le rossignol chantait.

Cependant il fallait l’éveiller… Il arracha donc quelques roses blanches à un rosier grimpant qui mariait ses sarments à ceux d’un chèvrefeuille autour de l’encadrement de la fenêtre et lui jeta des fleurs.

D’abord, elle ne s’éveilla pas… il lui en jeta encore et tant et tant qu’elle sortit de son rêve.

— Bonjour, ma petite Bedosse, lui dit Métalli en souriant.

— Bonjour, mon Chique-mûres, répondit-elle.

Et se voyant nue, elle rougit, et, d’un mouvement prompt, ramena son linge sur son sein.

— Ne vous effarouchez pas, lui dit Métalli, je n’ai rien vu.

— Le vilain menteur !…

Et il descendit lestement l’échelle, dans une ivresse ineffable. Mais elle, ramassant aussitôt toutes les roses dont il avait festonné sa couche, les lui jeta toutes ensemble à la tête avant qu’il eût touché terre, pour lui apprendre à être indiscret.