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— Monte écrire à cette fille de l’an passé, de venir dans trois jours, lui dit la mère Jeanne. Tiens, voici l’adresse qu’elle a laissée.

Métalli ne se le fit pas redire.

Pendant qu’il écrivait et que, par la croisée ouverte sur la campagne entraient un rayon d’or, des parfums de rose et des psiou psiou de moineaux, il regardait Ja campagne de temps à autre, comme pour chercher sa phrase ; lorsque, dans le flottement des blés verts, là-bas vers le chemin, il aperçut du rouge, du blanc et du bleu en mouvement.

Il crut d’abord que c’étaient des marguerites, des aubifoins et des ponceaux que la brise agitait dans les sillons. En y regardant mieux il reconnut que c’était une paysanne. En y regardant mieux encore…

— Mais est-ce bien possible ? se dit-il.

— Oui, oui ! plus de doute : c’est elle ! ma gentille, ma tant aimée.

Et il sauta par la fenêtre, tomba sur un tas de fumier mordoré et courut à sa rencontre.

Perlette, en le voyant accourir de loin, sentit grandir l’émotion qui l’agitait depuis qu’elle approchait de la ferme.

Les deux jeunes gens restèrent longtemps embrassés, enivrés de se revoir, charmés de se trouver si beaux, et Perlette essuya quelques larmes de bonheur.

Le cœur en fête ils se dirigèrent vers la maison.

Le chien, reconnaissant Perlette, accourut, en tortillant, lui lécher la main, et les oies toujours si criardes, hésitèrent à jeter leurs habituelles clameurs.

Ce fut une nouvelle émotion pour Perlette de revoir cette chère mère Jeanne qui avait été si bonne pour elle l’an d’avant et ce fut une agréable surprise pour la fermière, de retrouver cette vaillante Bedosse sur laquelle elle comptait pour cette année.

Métalli s’était éclipsé pour ne pas se trahir.

Aidée de la vieille Riette, toujours impotente, la mère Jeanne servit tout de suite, sur la large table supportée par un X double, et recouverte d’un chanvre odorant, frais déplié, à déjeûner à la nouvelle arrivée comme si elle l’eût prise pour une de ses nièces, malgré les protestations de Perlette, toute confuse de tant de bontés.

— Allons, petite, lui disait-elle, mangez ceci, goûtez de cela, buvez… allons, encore une goutte.

Laissez-moi faire… Obéissez ! vous n’êtes pas ici pour commander…

— Mais vous êtes trop bonne, madame, disait la gentille Perlette, émue jusqu’au fond du cœur par cette cordiale hospitalité.

Tout en déjeûnant, la belle magnonneuse regardait cet intérieur si rustique, où tout lui rappelait un souvenir : faucilles, vans d’osier, houle de fer, landiers luisants, ramon usé, boitenaire enfumé, gracieux dans