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Elle, effarouchée, s’empressa, par un mouvement brusque, de ramener le pli vers ses souliers et voulut se lever.

Métalli la retint.

— Non, restez, pria-t-il, je serai sage.

— Non, non, laissez-moi m’en aller d’ici : ce lieu me serait funeste… et mon père me tuerait…

Elle se leva résolument. Ils se remirent en marche.

— Vous ne m’aimez donc pas ? lui dit-il.

— Oh ! que si ! je vous aime tant, au contraire.

— Eh bien alors… pourquoi… ?

— Je vous l’ai dit.

— C’est pas ça ; je devine : Vous avez un amoureux au pays : un Pierre, et vous lui avez promis fidélité.

— Oh ! oh ! un amoureux, s’écria-t-elle en riant, mais je ne sais pas même ce que c’est !

— Oh l’innocente ! vos yeux disent le contraire !

— Non, bien sûr, c’est vous qui le premier m’avez cherchée…

— Pas vrai, pas vrai ! dit Métalli en la baisant sur la bouche pour étouffer ses : Mais si ! mais si.

Cependant ils étaient arrivés en vue du village de Ourson. C’est là qu’ils devaient se séparer.

Ils se jetèrent dans les bras l’un de l’autre… et se pressèrent éperdument sur leur cœur.

Puis ils se firent de tendres adieux, des promesses de se revoir l’an suivant, et pendant que Métalli reprenait tristement le chemin de la ferme, se retournant de temps à autre pour envoyer encore quelques baisers à sa mie, Perlette s’achemina en pleurant vers les montagnes du Vivarais.

En regagnant la ferme, Métalli se sentit peu à peu envahi par de vagues regrets… Au moins s’il l’avait aimée comme il en avait le fou désir… Mais elle reviendrait… Elle le lui avait promis, et cette perspective lointaine d’un bonheur futur le consolait un peu.

Il passa l’hiver à attendre les beaux jours : à se dire : quand viendra-t-il ce joli mois de mai qui doit me la ramener ?… Ah ! quelle ivresse de la revoir cette chère Perlette et de vivre encore de ces heures pleines d’amour comme nous en avons déjà tant vécu… Mais elle, si elle m’avait oublié ?…

Qu’elle fut longue pour lui, la brumeuse saison !

IV

Enfin, les jours grandirent et redevint chaud le soleil. Aux neiges hi-