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LES THÉÂTRES

Deux nouveautés cette quinzaine.

Le Train de plaisir au Palais Royal. C’est Daubray, qui conduit la bande joyeuse comme d’habitude, et il est vraiment superbe à voir quand il apparaît au premier acte avec sa large et luisante face, si sympathiquement comique, dans son costume de boucher. Car s’est dans une boucherie, aux Batignolles que se noue l’action — oh ! une action bien mince, un prétexte à cascades et à aventures. Les voyageurs partent pour Nice, en train de plaisir, Daubray et sa jeune femme, deux mariés de la veille, sont accompagnés dans leur voyage de noces par une jeune veuve escortée de deux soupirants. La jeune veuve c’est Mlle Lavigne, qui, pour une fois, a quitté ses rôles habituels de servante, mais qui a, heureusement pour les spectateurs, conservé ses gestes inénarrables et ses ahurissements étonnants. Milher fait un chef de police qui est une véritable trouvaille Quant aux péripéties de la pièce, ces choses là ne se racontent pas. On les voit, on les écoute, et l’on rit.

Les Menus-Plaisirs, après avoir épuisé tous les genres, depuis les exhibitions microscopiques — un spectacle peu agréable quand vous sortiez du restaurant — jusqu’aux séances de prestidigitation, viennent de rouvrir sous la direction de MM. Monza et Ressac. M. Bessac n’est pas un inconnu ; c’est un des anciens co-directeurs de ce vaillant théâtre du Château d’Eau, je parle du Château d’Eau d’autrefois, d’avant le Lyrique, du temps des grands succès populaires de Casse-Museau et de Kléber.

Les deux directeurs méritent tous les éloges ; car courageusement ils ont ouvert une charmante salle de spectacle trop délaissée, par une œuvre d’un débutant, M Pierre Barbier, le fils de l’auteur applaudi de tant de livrets d’opéras et d’opéras comiques. La tentative est crâne ; et je les en félicite. Je n’ai pu voir le drame de ce nouveau venu au théâtre ; j’espère pouvoir vous en rendre compte dans ma prochaine chronique.

Indigne (c’est le titre de l’œuvre), est tiré d’un procès célèbre, sur lequel la mort vient de faire récemment l’oubli. Le drame a été critiqué. Eh bien ! vrai, j’en félicite sincèrement M. Pierre Barbier ; car il faut qu’il y ait vraiment quelque chose dans sa pièce pour qu’on ait, d’un certain côté, crié si fort au scandale.

— Le Châtelet tient un grand succès avec le Tour du Monde. Je n’ai pas vu l’ancienne interprétation, mais j’aime fort la nouvelle. Joumard a bien le côté flegmatique de Philéas Fogg. Alexandre est amusant dans Passepartout et Vannoy a conservé son ancien rôle de Fix, le malheureux détective, lancé à la poursuite d’un voleur imaginaire. La mise en scène est fort belle. Les tableaux à sensation sont comme autrefois, la grotte des serpents, la nécropole, et l’explosion de l’Henrietta. Je vous avouerai que l’on s’y amuse fort ; la donnée du drame est intéressante ; et cela y est bien pour quelque chose, car je me souviens encore de l’insuccès de Kéraban-le-Tétu, sur lequel on avait fondé tant d’espérances, et où M. Jules Verne avait voulu renouveler tout seul son heureuse tentative du Tour du Monde.

— L’Ambigu a repris les Deux orphelines ; et la salle est pleine, applaudissant Taillade et criant après Honorine, hideuse de vérité dans la Frochard. Encore un vieux succès qui ramène le public, en attendant Carnot, le nouveau drame dont la direction nous annonce prochainement la pemière représentation.