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C’était une toute jenne fille travaillant à ses dix-sept ans, comme elle le déclara à la mère Jeanne.

Elle était fraîche et brune comme elles le sont presque toutes, de ce brun douteux qu’a dû causer le croisement des races grecque et latine avec le sang des Arverniens.

Elle avait les yeux d’un noir très-doux, très-velouté, des cils longs, bien plantés, indice d’un sang très-pur, et des sourcils épais, demi-arqués relevant la blancheur de son front.

Au moindre sourire, sa bouche, d’une fraîcheur de rose, s’épanouissait, laissant voir de fines perles, et ses joues, veloutées d’un imperceptible duvet, prenaient deux fossettes nacrées, floues et semblaient appeler le baiser.

Elle était grande pour son âge et assez rondelette, et la mère Jeanne, qui aimait à voir les figures ouvertes et réjouies, s’était adressée à elle de préférence.

La pauvre femme ! si elle avait su !… Cependant elle aurait bien dû penser que son Métalli… ce gars de dix-huit ans… Enfin il faut croire qu’elle n’avait pas réfléchi à cela.

Perlette avait donc suivi la mère Jeanne.

Pendant tout le parcours de la route elle fut émerveillée de voir des pays si nouveaux pour elle, car c’était la première fois qu’elle venait ; elle n’avait jamais quitté sa montagne, sa taupinée de pisé fauve, son champ de pommes de terre et son châtaignier à l’ombre duquel elle avait grandi, filant, tricotant de la laine, en gardant ses bestiaux.

À la ferme, elle fut enchantée par mille détails rustiques. Elle ne fit pas grande attention aux meules de foin et de chaume et à la mare dormante à l’ombre de ses osiers : dans toutes les habitations rurales on voit ça !… Mais le puits vigneté et historié de calebasses à bouteilles, aux feuilles si gracieuses ; le puits avec sa poulie chantante, sa seille de bois ferré et sa margelle usée ; — les vieux sureaux, pleins de fauvettes de passage, occupées à se soûler de baies vineuses, les murs des bergeries et des granges, en vieille pierre dorée de soleil, ébréchée par le temps.

Pleins de fendaces logeant iris, mufliers, joubarbes, giroflées et toute la flore rudérale ; le jardin plein de légumages, d’arbres comptant moins de feuilles que de fruits ; tout cela, sans la surprendre, la charma vaguement.

Ses regards ne se lassaient pas de se promener de la soue d’argile pisée, enchaulmée de glui, aux tièbles enduites de glaise et aux barges enliseronnées de convolvulus des haies, pleins de blanches fleurs poétiquement appelées manchettes de la vierge.

Elle écoutait les tsiri tsiri des dernières couvées des moineaux sous les toits : sous ces vieilles tuiles toutes brunes de mousses et de crypto-