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UNE IDYLLE DANS LA BAYANNE

I

Entre Valence et Romans il y a une vaste plaine nommée la Bayanne. Elle est traversée par une grande route qui s’y enfonce dans les perspectives infinies et s’y perd dans des brumes bleuâtres. La locomotive, panache au vent, remorquant ses noirs vagons, la franchit aussi sur des ornières de fer au milieu de la verdure des mûriers, des vignes et des noyers, et le canal de la Bourne lui fait des réseaux pleins de grâce et de fraîcheur.

Les Alpes, au Levant, les Cévennes, au couchant, dressent leurs remparts bleus et circonscrivent l’horizon.

Cette plaine est réputée monotone et je n’essayerai pas de ternir sa réputation en tentant de poétiser ici ses sites tranquilles et recueillis.

Mais qui oserait dire que le petit village de Chateauneuf, qui se trouve en inclinant sur l’Isère, n’est pas un lieu charmant ?

L’avez-vous visité ce lieu enchanteur, si plein d’amour et de soleil ? Oui ? — Alors je n’ai pas à vous le vanter. — Non ? — Eh bien je ne vous en parlerai pas, non plus que de ses carrières sombres et grandioses, car d’en parler ce n’est rien, et j’en suis si bien persuadé que je vous fais grâce de cinq ou six pages de description que je pourrais en faire.

S’il en est fait mention ici, ce n’est que pour établir le lieu où doit se passer l’idylle qui va suivre et où la gentille Perlette…

Mais nous raconterons cela plus bas.

II

Non loin de ce village, au pied d’un coteau regardant le soleil levant, il y avait autrefois, perdue dans la verdure des vieux amandiers et des mûriers à la feuille d’or, une vieille ferme rustique… comme toutes celles du Dauphiné et c’est tout dire.