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LES LIVRES

MON PÈRE, par Paul Margueritte. 1 vol. chez P. Schmidt, éditeur, 5, rue Perronet,
Paris. — Publications de la maison Hachette.

Il naît un petit paysan, dont les père et mère labourent la glèbe du pays lorrain. Le père est si pauvre, qu’il s’engage soldat.

Ils s’en vont en Algérie, où l’on se tue.

L’enfant grandit dans la bataille. Aux heures calmes, en jouant avec les petits arbis des rues, il apprend l’arabe.

À onze ans, il sert d’interprète. À quinze, il s’engage. À dix-huit, il est sous-lieutenant. À vingt ans il est décoré de la légion d’honneur.

Pendant des années il s’instruit, sans écoles ni maîtres, puis à 47 ans le voilà devenu… le plus jeune général de division de l’armée française.

L’Algérie, qu’il connaît à fond, est son champ de bataille, d’organisation et d’avenir.

En 1870, il tombe à Sédan, glorieux. Sa mort sert de signal à la charge immortelle des chasseurs d’Afrique, et fait dire au roi Guillaume sur la colline : « Oh ! les braves gens ! les braves gens ! » Treize ans après, le département de la Meuse lui élève une statue. On l’inaugurera cet été, à Fresnes en Wœvre, près de la frontière prussienne.

Ce fils de pauvres et d’honnêtes gens, c’est le général de cavalerie Margueritte, né à Manheulles, le la janvier 1823. Nous connaissions sa vie de labeur, sa mort illustre : mais l’homme doux, simple, le pacifique qu’il était, son fils aîné s’est chargé de nous le faire connaître.

MON PÈRE, tel est le titre du livre qu’il vient de publier.

Ce n’est pas une sèche biographie militaire. C’est une histoire poignante, un roman vrai.

M. Paul Margueritte en faisant œuvre filiale a fait œuvre d’artiste. Une émotion emplit le livre, très simple de style, éclairé, ici, du sourire des jours heureux, là, mouillé des larmes des jours de défaite et de mort.

Citons un ou deux extraits, en passant.

Nous sommes à la veille de la bataille de Sédan.

Mon père dormit, le dernier, cette nuit, le général de Galliffet, près de lui, roulés dans le même manteau. Sommeil trouble, ou peut-être lourd comme un sommeil de soldat. Ils étaient vieux compagnons d’armes. M. de Galliffet avait suivi mon père, grade à grade. Maintenant il dormait à côté de lui, soldat d’héroïque valeur et d’intense énergie, comme s’il eût été prévu, chose