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fatigué. La Trémelli, que j’avais trouvée très belle dans le rôle d’Hérodiade, ne m’a pas plu dans son travesti de Maffio Orsini. Elle y est lourde et peu sympathique. Elle a en chantant une manière de se rengorger qu’elle devrait surveiller. C’est une très belle voix de mezzo soprano mais un peu grosse, quelquefois prise trop dans la gorge ce qui lui donne des crudités populaires et déplaît parfois au public du lieu. J’espère qu’on aura fait disparaître de l’interprétation l’acteur qui chante l’un des seigneurs vénitiens, le seul qui faisait tache.

Cette musique italienne, qui a de si beaux élans dramatiques et des finales si absurdes, il ne se trouvera donc pas un directeur pour en faire revoir et harmonier les meilleurs échantillons par un maître moderne sachant l’orchestre ?

Que vous dirai-je des concerts ? Nous avons eu quelques auditions nouvelles : à Pasdeloup une ouverture héroïque de M. Bruneau. Beaucoup de bonnes choses qui promettent dans cette œuvre à tendances descriptives et, à part quelques imitations de la bataille du Roi de Lahore et un roulement de tambour couvert de crêpe pour exprimer la mort d’un héros, il n’y a qu’à applaudir. Nous avons entendu dans la même séance une jeune pianiste, d’une quinzaine d’années Mlle Mary Gemma qui a des doigts excellents. On a tort de la produire déjà, surtout pour jouer du Chopin dont elle ne peut saisir la portée. M. Ritter, au Châtelet, lui, nous a fait entendre la Fantaisie Hongroise de Litz, une romance de Schumann et le Schezzo du songe de Mendelssohn. Le pianiste a toujours son jeu d’une extrême pureté, d’une grande correction, mais d’une froideur désolante. La Chevauchée du Cid (également à celle du Châtelet) scène hispano-mauresque par M. d’Sudy, se compose de trois morceaux très colorés, très mouvementés avec des chants d’une certaine originalité. Malheureusement le développement logique manque ; c’est infiniment trop court. Le public a accueilli assez froidement une audition des deux Reines, de Gounod.

Pour être franc, la musique en a paru ternie et plate. M. Colonne a donné aussi des fragments de Sigurd de Parsifal et du Richard III de M. Salvayre, avec le concours de M. Faure. Je n’ai pu assister à cette audition. Dimanche dernier, chez M. Lamoureux, le premier acte tout entier de Tristan et Iseult, grande attraction.

Rendons à César… J’ai attribué dans ma dernière chronique le livret de Sigurd à MM. E. Philippe et Blan. C’est C. du Locle et Blan qu’il faut lire.

Adrien REMACLE.