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des Mirlitons (place Vendôme, 18) ne relèvent pas de la critique d’Art. Berne-Bellecourt, Detaille, de Neuville, Protais continuent à fraterniser avec le mirlitonnesque guerrier Déroulède : cette peinture vaut cette poésie. M. Gérôme, dans son tableau Deux Majestés (la solution du rébus au prochain numéro), devient sublime à force d’être burlesque. Les portraits de femmes de MM. Jacquet, Aublet, Alex, Cabanel, Jalabert, Machard, Mazerolle, Saintin, nous ont plongé dans des angoisses profondes. — Au milieu de ce fatras mercantile, quelques assez bons tableaux de Benjamin Constant, Paul Baudry, Ferdinand Cormon, John Sargent… et une terre-cuite de Saint-Marceaux.

IV. Galerie Vivienne, sont exposés une centaine de pastels et de tableautins envoyés de Constantinople par le général Cluseret.

Toujours en quête d’aventures héroïques depuis sa sortie de Saint-Cyr en 1843, — Cluseret a été brigadier général aux États-Unis, il s’est battu en Italie, en Irlande, en France. Enfin, trop vieux pour la guerre, lassé de la politique, qui lui avait valu une mise hors la loi et trois condamnations à mort, se souvenant d’avoir hanté l’atelier de Courbet, il s’est improvisé peintre, en Turquie — où l’avait attiré la guerre de 1878.

Sans maître, sans ressources, avec un attirail rudimentaire, Cluseret, fort des encouragements de Meissonier, s’est attaqué aux marines, aux paysages, aux palais, aux animaux, aux scènes de genre ; toute la Roumélie orientale a eu affaire à son pinceau. Les lettres qu’il adresse à ses amis de Paris sont un curieux amalgame de modestie et d’orgueil : au fond, il a une inaltérable confiance en son talent. Malgré ma sympathie pour la personnalité du ci-devant délégué à la Guerre, ses œuvres ne m’ont pas enthousiasmé le moins du monde, — oh ! non.

Dans le catalogue de l’exposition, — imprimé en rouge et envahi par un ridicule poème de M. Paul Roinard, — je copie textuellement quelques titres de tableaux : « La foi s’en va ! Un derviche harangue les gens du peuple qui rient. » — « Fille du Nord après bain. La contraction des muscles et la congestion des extrémités indiquent la sensation du froid. » — « Le Taureau et le Chien. Allégorie de la France et de la Prusse. » — « La Guerre fait les idiots, les estropiées, les mères de quatorze ans et les mendiants. » De la peinture de Saint-Cyrien philanthrope !…

V. Exposition du Cercle Volney (15 janvier — 15 février).

Il était temps que cette exposition fermât ses portes : c’était trop d’émotion pour les visiteurs. Je halète encore ! Oh ! avoir contemplé les « petits culs-nus d’amours » de M. William Bouguereau, le poupard de l’ineffable Timoléon Lobrichon, les portraits de M. Jean Benner, — jouissances suraiguës ! Parmi les artistes qui ont exposé des œuvres consciencieuses, citons : Paul Baudry, Élie Delaunay, Emmanuel Benner, J. A. Rixens, J. J. Henner, Lerolie. En tout, 265 toiles et 17 plâtres, bronzes, etc.

F.-F.