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Elle était dans l’asile austère
Où s’écoulaient ses sombres jours ;
Paris, aux feux de son cratère,
Devait voir rayonner la fleur de leurs amours.

Quand la charmante Léonore
Eut conquis son farouche amant,
Soudain, sur le pavé sonore,
Le char de mort sembla rouler moins lourdement.

Le fer trembla : dans l’ombre immense,
Le vague espoir rit à plus d’un,
Et ce mot nouveau : la Clémence,
Parut même hésiter aux lèvres du tribun.

Pourtant de l’ère meurtrière
Ce n’était point encor la fin :
Léandre restait Robespierre ;
Le tigre dans l’amour n’apaise pas sa faim.

D’ailleurs, quelle idylle poignante
Que cet amour terrible, éclos
Entre la tribune tonnante
Et la France aux abois, qu’étouffent les sanglots !

La jeune fille jase et joue,
Svelte sous son blanc tablier ;
Le bonheur empourpre sa joue ;
Une odeur de sapin monte de l’atelier.

Et l’Incorruptible tressaille,
Plein d’espérance et plein d’orgueil,
Tandis que le père travaille
Et scande leurs baisers en clouant un cercueil.

FABRE DES ESSARTS.