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COMMENT ILS AIMAIENT

PROLOGUE

Je suis allé vers l’antre où les colosses dorment.

Là, soulevant les plis que les blancs linceuls forment,
Sur leurs membres géants terrassés par la mort,
Sans mépris, sans orgueil, comme aussi sans remord,
Pareil au victimaire armé pour l’hécatombe,
Impassible, et le front incliné vers leur tombe,
J’ai plongé mon scalpel tout entier dans leurs flancs.
Maintenant, je reviens, plein depensers troublants,
Mais fier d’avoir fini ma terrible autopsie.
Et toi, tu peux ouvrir ton aile, ô Poésie,
Et réjouir le ciel de ton hymne vainqueur.

Ces hommes, ces titans, ces dieux avaient un cœur.

I
L’AMOUR DE ROBESPIERRE

Lui, le grand dompteur invincible
Qu’aucun bras ne put désarmer,
Lui, l’intraitable et l’inflexible,
Robespierre eut un jour le caprice d’aimer.

Mais vainement, de grève en grève,
Docile aux leçons de Rousseau,
Vainement il chercha son rêve
Sous l’indienne rustique et le toit de roseau.

Chaque jour son âme attristée,
Dès que l’aube au ciel avait lui,
Croyait trouver sa Galatée
Dans les calmes lointains. Elle était près de lui !