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l’autonomie des communes, n’ont pas même l’idée de défendre l’autonomie de l’art.

Et d’abord, pourquoi Exposition nationale ? Est-ce parce que son jury est composé exclusivement de membres de l’Institut et de jurés nommés par le ministre ? Exposition officielle serait une désignation plus exacte.

PEINTURE

Nous n’avons pas l’intention de rédiger une nomenclature : nous parlerons donc d’un nombre de tableaux fort restreint, et particulièrement de ceux qui sont exposés pour la première fois. D’autre part, il nous semblerait oiseux de donner à ces rapides notes critiques une forme didactique : nous mettrons donc de côté toute classification trop rigoureuse, et nous irons au hasard de la plume.

L’Andromède de J. J. Henner est une page magistrale, un hymne enthousiaste à la splendeur de la forme. Debout, profilant la cambrure de son corps d’une nudité liliale sur le roc où le fer des anneaux fixe ses mains, superbe dans l’envolement tragique de ses cheveux d’or bruni, toute frissonnante aux effluves salés que lui apporte la mer, gorge renversée, Andromède interroge anxieusement les cieux impassibles. L’épiderme, où jouent des traînées de lumière, est d’une tonalité ravissante ; les chairs sont d’un modelé impeccable. Pour donner à ses figures ce frémissement qui les fait vivre, Henner met à leur contour une sorte de halo, d’irradiation qui empiète sur le bitume habituel des fonds et fait disparaître la sécheresse de la ligne sans lui ôter sa pureté.

Bastien-Lepage a envoyé au Palais de l’Industrie les Foins et la Saison d’octobre, œuvres admirables de vérité qui figurèrent aux Salons de 1878 et de 1879, un petit tableau, les Blés murs, et deux portraits d’une exécution trop minutieuse. Lhermitte expose la Paye des moissonneurs, la Moisson et la Fileuse, déjà connues, d’une facture large et franche. On a quelquefois comparé Lhermitte au grand J. F. Millet. Millet — est-il besoin de le dire ? — a beaucoup plus d’ampleur dans la conception de ses sujets. Ses paysans ont, dans leur abrutissement, une sorte de grandeur hiératique et sacrée dont ne se doutent pas les paysans de M. Lhermitte, Il est évident que celui-ci ne fera jamais un tableau qui puisse être mis sans sacrilège à côté de l’Angélus.

Malgré la présence de paysages dus au pinceau outrageusement académique de peintres que je ne nommerai pas, les paysages sont peut-être la partie la plus intéressante de cette exposition. M. A. E. Pointelin, qui en expose quatre, peint dans un seul ton, il ne sait pas éviter la monotonie, mais ses œuvres, peu nombreuses encore, ont une