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que Golo était un traître, un suborneur, un calomniateur. Combien je m’étais trompé !

Dès que je le vis apparaître, je compris tout de suite à qui j’avais affaire. Malgré son maintien un peu raide, inévitable attribut d’un homme en bois, il y avait sur sa figure tant de bienveillance, tant de franchise que je ne pus m’empêcher de reconnaître qu’on avait bien méconnu Golo.

D’abord, il était blond, sans barbe, avec de petites moustaches fines et soyeuses. Ajoutez à cela qu’il portait un charmant costume bleu de ciel brodé d’argent, et vous conviendrez qu’on n’a jamais été un traître avec une telle physionomie et un tel costume. Du reste, on fut édifié par le colloque qu’il eut avec son confident.

Mais cet Humbert, quel gueux ! C’est lui qui souffla dans l’esprit de Golo l’idée impure de la fatuité. Il avait, d’ailleurs, été fortement engagé dans cette voie corruptrice par Geneviève, qui est bien la plus effrontée coquine qui soit au monde. Si vous l’aviez vue avec son corsage flottant, sa ceinture dénouée, son faux chignon ballottant sur ses épaules marbrées de rouge et de blanc ! Une figure de cire et une âme d’araignée. Telle est l’innocente et persécutée Geneviève. Je sais bien que son vieil imbécile de mari n’était pas capable de la satisfaire sur tous les points. Mais, comme elle l’avait épousé par ambition, après avoir refusé Golo à cause de sa pauvreté, elle n’avait, en somme, que ce qu’elle méritait. Pourtant, elle n’était pas femme à se contenter d’un pareil état de choses.

Si elle avait pris le vieux Siffroy pour ses trésors, elle voulait aussi prendre son cousin Golo pour la seule richesse qu’il possédât.

L’occasion était belle. Siffroy, général du duc de Brabant, faisait la guerre dans un pays lointain. Golo gouvernait en son absence. Il chercherait, sans aucun doute, à suppléer son maître dans toutes ses fonctions. Mais l’éhontée Geneviève avait compté sans la grandeur d’âme de Golo, qui, plus heureux que Joseph, ne laissa même pas son manteau entre les mains de cette Putiphar brabançonne.

La princesse, furieuse de ne tenir aucune pièce à conviction, fait néanmoins tomber sur son vertueux cousin les plus injurieux soupçons.

Pour mieux consolider son échafaudage de malice, elle se retire dans une forêt, fait semblant de manger des racines sauvages et affecte de cacher sa nudité sous les feuilles des arbres,

Sur ces entrefaites, revient Siffroy. Geneviève, piétinant sur la pudeur, se présente au palais dans son costume d’été et dévoile la perfidie de Golo.

Celui-ci, calme et digne, se défend sans passion ; aux rutilantes invectives de l’amoureuse dédaignée, il oppose un visage serein.

Dans une si grande perplexité, le général, impuissant à démêler