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La comtesse est debout, paumes épanouies.
Elle fait le grand cri des amours surhumains,
Puis se penche, et saisit avec ses pâles mains
La tête qui, merveille ! a l’aspect de sourire.
Un fantôme de vie et de chair semble luire
Sur le hideux objet qui rayonne à présent
Dans un nimbe languissamment phosphorescent.
Un halo clair, semblable à des cheveux d’aurore,
Tremble au sommet et semble au vent flotter encore
Parmi le chant des cors à travers la forêt ;
Les noirs orbites ont des éclairs, on dirait
De grands regards de flamme et noirs. Le trou farouche
Au rire affreux qui fut, comte Henry, ta bouche,
Se transfigure rouge aux deux arcs palpitants
De lèvres qu’auréole un duvet de vingt ans,
Et qui pour un baiser s’apprêtent, savoureuses
Et la comtesse, à la façon des amoureuses,
Tient la tête terrible, amplement, une main
Derrière et l’autre sur le front, pâle, en chemin
D’aller vers le péché spectral, l’âme tendue,
Hoquetant, dilatant sa prunelle perdue
Au fond de ce regard vague qu’elle a devant
Soudain, elle recule, et d’un geste rêvant
(Ô femmes, vous avez ces allures de faire !)
Elle laisse tomber la tête qui profère
Une plainte, et roulant sonne creux et longtemps.

— « Mon Dieu, mon Dieu, pitié ! Mes péchés pénitents
lèvent leurs pauvres bras vers ta bénévolence.
Ô ne les souffre pas criant en vain ! Ô lance
L’éclair de ton pardon qui tuera ce corps vil !
Vois que mon âme est faible en ce dolent exil,
Et ne la laisse pas au Mauvais qui la guette !
Ô que je meure ! »
La comtesse à l’instaAvec le bruit d’un corps qu’on jette,
La comtesse à l’instant tombe morte, et voici :
Son âme en blanc linceul, par l’espace éclairci