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Ce chef horrible, et le vide de la hantise
Diabolique, qui n’en fait qu’un instrument
Où souffle Belzébub fallacieusement
Comme dans une flûte on joue un air perfide ! »

— « Ô douleur, une erreur lamentable te guide,
Reine, je ne suis pas Satan, je suis Henry ! » —

— « Oyez, Seigneur, il prend la voix de mon mari !
À mon secours, les saints ! À l’aide, Notre-Dame ! »

— « Je suis Henry, du moins, Reine, je suis son âme
Qui, par la volonté, plus forte que l’Enfer,
Ayant su transgresser toutes portes de fer
Et de flamme, et bravé toute impure cohorte,
Vient vers toi pour te dire, avec cette voix morte,
Qu’il est d’autres amours encor que ceux d’ici,
Tout immatériels et sans autre souci
Qu’eux-mêmes, des amours d’âmes et de pensées.
Ah ! que leur fait le Ciel ou l’Enfer ? Enlacées,
Les âmes, elles n’ont qu’elles-mêmes pour but !
L’Enfer, pour elles, c’est que leur amour mourût,
Et leur amour, de son essence, est immortelle !
Hélas ! moi je ne puis te suivre aux cieux, cruelle
Et seule peine en ma damnation. Mais toi,
Damne-toi ! Nous serons heureux à deux ; la loi
Des âmes, je te dis, c’est l’alme indifférence
Pour la félicité comme pour la souffrance,
Si l’amour partagé leur fait d’intimes cieux.
Viens, afin que l’Enfer, vaincu, voie, envieux,
Deux damnés ajouter, comme on double un délice,
Tous les feux de l’Amour à tous ceux du Supplice,
Et se sourire en un baiser perpétuel ! » —

— « Âme de mon époux, tu sais qu’il est réel
Le repentir qui fait qu’en ce moment j’espère
En la miséricorde ineffable du Père