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de maraîchers, dispersent les groupes. Ce réveil est une sorte de contagion graduelle qui gagne les tempéraments les plus rebelles. Les tortues elles-mêmes prendraient le mors aux dents, si l’industrie parisienne avait eu la fantaisie de les employer à la traction des voitures de légumes !

Bientôt tout est en branle dans les Halles. Avec leurs grandes ouvertures béantes où s’engouffre toute une nuée de marchands et de marchandes chargés de sacs de victuailles, avec leurs hautes parois à jour, elles ont l’aspect d’une ruche monstrueuse, envahie par un peuple d’abeilles, qui revient de butiner.

L’aurore se lève, lumineuse et bleue, jaunissant la clarté des gaz. Adieu l’illusion. Plus de fantastique. Nous sortons du domaine du rêve. C’est Paris éveillé, Paris vivant, la ville positive par excellence !

Désormais plus de confusion possible. Ces hommes qui s’agitent sont des hommes, ces légumes entassés sont des légumes. Et avec la meilleure volonté du monde il est difficile de prendre ce sergent de ville qui passe pour une aubergine monstre.

FABRE DES ESSARTS.

EN HIVER

TRADUIT DU SUÉDOIS

Le jour où je te vis, si modeste et si belle,
Le jour où je te vis, où soudain je t’aimai,
Ah ! comme avec bonheur mon cœur se le rappelle…
Tu t’en souviens aussi. C’était au mois de mai.

Le ciel était si bleu, si verte la colline.
Tout était ravivé dans les bois, dans les champs ;
Le long de nos sentiers fleurissait l’aubépine,
Et les oiseaux chantaient les gloires du printemps.

Puis l’hiver est venu, si froid, si triste et sombre…
Mais lorsque je te vois, et lorsque je t’entends,
Je revois les rayons du ciel de mai dans l’ombre,
Et j’entends les oiseaux qui chantent le printemps.

Xavier Marmier.