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NÉCROLOGIE

La Libre Revue vient de perdre un de ses fondateurs, M. Ulysse Bouchet, né le 22 février 1817, à Crest (Drôme).

M. Ulysse Bouchet, depuis vingt ans chef du service des Calculs au Bureau des Longitudes, officier de l’instruction publique, rédacteur scientifique de la Libre Revue, est mort le 24 novembre à Paris.

Dès 1849, l’Académie des sciences, sur le rapport de Babinet, donnait son approbation à un mémoire de M. Ulysse Bouchet, relatif aux calendriers julien et grégorien. Ce mémoire fut l’embryon de l’Hémérologie ou Traité des calendriers que notre collaborateur fit paraître, en 1868, chez Dentu.

La connaissance des calendriers (science du Comput) est, évidemment, de la plus absolue nécessité pour l’intelligence des Historiens et la vérification des Dates. Mais, comme l’a dit François Arago, « l’explication de l’Almanach, objet propre du Comput, touche aux points les plus épineux de la science et de l’érudition : aussi, les questions qui dépendent des calendriers sont-elles abordées avec répugnance même par les astronomes de profession. » M. Bouchet a ramené la solution de ces questions ardues et complexes (concordance des calendriers, recherche de l’Épacte, du Nombre d’or, du caractère des mois, du cycle solaire, etc., etc.) à de simples calculs arithmétiques dont il a, du reste, consigné les résultats dans des tables hémérologiques ingénieusement établies.

M. Ulysse Bouchet a écrit, en outre, un ouvrage sur la marche du soleil et les nombreuses applications usuelles que l’on peut en tirer (connaissance de l’heure au moyen de l’ombre, etc., etc.). Le manuscrit, actuellement entre les mains de M. Faye, sera — nous l’espérons — publié par le Bureau des Longitudes.

Dans le monde des savants — où les jalousies mesquines et les rivalités haineuses jouent un rôle aussi important que dans le monde des comédiens ou des peintres — M. Ulysse Bouchet avait su se faire apprécier à sa valeur et se faire aimer. D’ailleurs, ce n’était pas le mathématicien de la légende — rébarbatif et hargneux, — mais un homme d’une exquise simplicité, d’un commerce sûr et charmant, d’une modestie exagérée, un érudit sans pédantisme, une ferme intelligence et un noble cœur.

Les sympathies qui Font accompagné dans sa carrière lui sont restées fidèles jusqu’à la fin, — témoin le dévouement jamais lassé des amis qui l’ont soigné pendant sa terrible maladie, et la splendide couronne funéraire que le Bureau des Longitudes a placée sur son cercueil.

F.