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tant tout l’amour-propre qu’on apporte à des travaux passagers, qui placent en vue et donnent des titres à l’avancement, c’est ce travail en dehors des conditions normales qu’on prend pour point de départ de la fixation de la journée-type, quand on ne s’en rapporte pas à l’appréciation pure et simple des porions.

« Ce n’est pas tout : on a organisé un système de mise en marchandage qui produit une dépression habituelle du taux normal des salaires. Le charbonnier de notre arrondissement est le moins nomade, le plus sédentaire de tous les ouvriers français : il est attaché au sol par des habitudes, des liaisons, à défaut de propriété ; il ne le quitte qu’à la dernière extrémité. Mais à la journée, la fixité de son salaire ne lui est jamais complétement garantie : si le porion croit qu’il gagne trop, il peut augmenter la tâche. Le marchandage garantit cette fixité pour un certain temps, mais à la condition d’une baisse sur le prix habituel. La Compagnie met certains travaux en adjudication entre les ouvriers : mais elle a fait ses devis à l’avance, et on n’adjuge jamais que quand on a la certitude d’obtenir par là un taux sensiblement moindre que celui que coûterait la journée ordinaire. L’ouvrier en passe par là, il gagne quelquefois au marchandage un peu plus que s’il ne faisait que sa journée, mais au prix de quels efforts ! Pour combien ce déplorable procédé du marchandage, dont le contre-coup, à Anzin comme ailleurs, se fait bientôt sentir dans la fixation de la tâche à la journée, n’est-il pas dans la constitution grêle et rabougrie, dans le teint hâve de nos populations