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riorité, doit aspirer à ne se montrer que sous ses beaux côtés, afin de ne pas perdre le prestige qui l’entoure. Pour régénérer la race nègre, on prétend lui faire apprécier les bienfaits de la paix et mettre ainsi un terme aux hostilités perpétuelles de tribu à tribu qui ensanglantent et ruinent son pays ; mais si ses éducateurs ne prêchent pas d’exemple et se livrent entre eux, sous ses yeux, des luttes meurtrières, ne se discréditeront-ils pas eux-mêmes ?

On l’a compris sans peine[1]. Toutes les précautions possibles ont été prises pour épargner aux Congolais le spectacle et les maux d’une, guerre fratricide, entre ceux qui se présentent à eux comme des êtres pacifiques par excellence.

L’État du Congo le premier, usant d’un droit octroyé par l’article 10 de l’Acte de Berlin, s’est proclamé neutre dès son origine[2], ce qui oblige les autres puissances à ne pas le mêler à leurs querelles. Déjà cette neutralité avait été stipulée en faveur de l’Association internationale, dans ses conventions avec la France et le Portugal, mais sous réserve des conditions qu’y mettrait la conférence de Berlin, laquelle n’a eu garde de négliger cette partie de sa tâche.

D’un autre côté, l’État du Congo s’est engagé, ainsi que ses voisins, pour le cas où un dissentiment s’élèverait entre eux, à recourir à la médiation d’une ou de plusieurs puissances amies, avant d’en appeler aux armes.

Si l’on tient compte, enfin, d’une faculté qui n’avait pas besoin d’être confirmée par écrit, mais que l’on a tenu à mentionner dans l’Acte de Berlin comme pour recom-

  1. Qu’il me soit permis de rappeler que c’était pour assurer le règne – gravement compromis — de la paix au Congo, que, dans un mémoire intitulé : « La question du Congo devant l’Institut de droit international », je recommandais, en 1883, la conclusion d’un traité, analogue, en beaucoup de points, à celui qui fut signé à Berlin le 25 février 1886.
  2. Bulletin officiel, t. I p. 22.