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ment impossible de le saisir, et on comprend combien son œuvre y perd en portée.

Malgré tout, cette compilation sans valeur intrinsèque a pris peu à peu un rang important, un caractère quasi-officiel, dans les Vallées. « C’est leur Talmud », me disait un jour feu Lino Freixa, vicaire général d’Urgel. Une juridiction ne peut pas reconnaître au Politar l’autorité que les Andorrans lui prêtent ; mais dans une enquête sur la coutume andorrane, il était nécessaire de faire à cette compilation une place.

Les traditions orales. — Les différents documents écrits, décrets, sentences, minutes notariales, coutumiers, ne répondent pas, il s’en faut de beaucoup, à toutes les curiosités. Les témoignages oraux sont plus souples ; ils se prêtent plus docilement à l’interrogation, et j’ai largement usé de la ressource qu’ils m’offraient. L’Andorran, avec sa finesse de montagnard, a une aptitude particulière à saisir les notions juridiques. Plus d’une fois, le notable chez qui j’étais en visite, l’hôtelier qui m’hébergeait, m’ont fourni des indications fort utiles. Je loge à Andorre-la-Vieille chez un aubergiste que j’ai connu jadis receveur de la Poste, guide et loueur de chevaux ; il est menuisier de son état, expert quelquefois, architecte à l’occasion ; comme tout le monde, il a quelques terres au soleil et il est agriculteur ; depuis peu, il s’adonne à l’élevage ; la confiance de ses concitoyens l’honora naguère du titre de capitaine de la paroisse ; il est devenu récemment boucher et secrétaire du comú ; enfin, c’est l’un des avoués les plus réputés du pays, et il m’a souvent intéressé par ses causeries, tout en servant mon repas. Entre le puchero qui commençait le déjeuner et les amandes grillées qui le terminaient non moins invariablement, il y avait place pour une consultation, jamais banale, souvent subtile et profitable.

Comme les autres moyens d’information, celui-ci présente ses Inconvénients et ses chances d’inexactitude. Il est aussi difficile en Andorre qu’ailleurs de dire : « Je ne sais pas », et plus d’une fois, au lieu d’avouer leur ignorance,