Page:La coutume d'Andorre.djvu/242

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que jouir d’une grande autorité, surtout quand ils sont arrêtés officiellement en séance et non pas signés successivement par les conseillers, à la requête et sur les instances d’une partie. Encore est-il bon de ne pas perdre de vue, d’abord, que le Conseil, assemblée administrative et politique, est accessible à des considérations et à des influences qui n’ont rien de Juridique, ensuite, qu’il donne assez souvent une opinion de seconde main. Quelque déférence que je professe pour lui, j’estime que les tribunaux ne doivent pas accepter aveuglément ses consultations, où la vérité est parfois cruellement défigurée, on en pourrait fournir des preuves.

Il y aurait, à un autre point de vue, bien des réserves à faire sur cet usage. Il est très rationnel qu’un juge dans l’embarras prenne l’opinion du Conseil sur un point de droit ; mais que le Conseil, à la sollicitation d’un plaideur, formule cette opinion, c’est bien différent. En 1846, le Juge des appellations soutenait que le Conseil général ne devait pas être autorisé à définir la coutume et il soumit la difficulté au Ministère, qui adopta cette manière de voir ; Guizot répondit dans ce sens[1]. Il est certain que le Conseil use parfois sans mesure de sa prérogative et de façon à juger les affaires ; car il ne se contente pas toujours de donner des consultations générales sur telle ou telle question de droit, il en fait l’application au procès en cours et casse des actes judiciaires. C’est une confusion de pouvoirs vraiment inadmissible.

Les sentences. — Je faisais grand fonds sur les décisions judiciaires pour déterminer la coutume, et j’avoue que j’ai éprouvé de ce chef quelque déception. Les sentences des bayles ne sont ordinairement pas rédigées par eux, mais par un conseil étranger aux Vallées, ce qui enlève à ces sentences beaucoup de leur intérêt. De plus, les collections de sentences ne sont pas complètes, à beaucoup près, et je soupçonne que certains greffiers ont apporté un soin

  1. Le dossier de cette affaire est aux Archives de l’Ariège, Andorre, liasse 2.