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DEMANDES-TU, DOUCE ENNEMIE…


Demandes-tu, douce ennemie,
Quelle est pour toi ma pauvre vie ?
Hélas, certainement elle est
Telle qu’ordonner te la plaît.

Pauvre, chétive et langoureuse,
Dolente, triste, malheureuse,
Et tout le plus fâcheux émoi
D’amour fâcheux loge chez moi.

Après demandes-tu, ma mie,
Quelle compagnie a ma vie ?
Certes accompagnée elle est
De tels compagnons qu’il te plaît.

Ennui, travail, peine, tristesse,
Larmes, soupirs, sanglots, détresse,
Et tout le plus fâcheux souci
D’amour fâcheux y loge aussi.

Voilà comment pour toi, Marie,
Je traîne ma chétive vie,
Heureux du mal que je reçoi
Pour t’aimer cent fois plus que moi.

Ronsard.