Page:La chanson française du XVe au XXe siècle.djvu/237

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


   Vingt fois pourtant on me verrouille
   Dans les cachots, de par le roi.
   De mon seul bien on me dépouille.
Vieux vagabond, le soleil est à moi.

   Le pauvre a-t-il une patrie ?
   Que me font vos vins et vos blés,
   Votre gloire et votre industrie,
   Et vos orateurs assemblés ?
   Dans vos murs ouverts à ses armes,
   Lorsque l’étranger s’engraissait,
   Comme un sot j’ai versé des larmes.
Vieux vagabond, sa main me nourrissait.

   Comme un insecte fait pour nuire,
   Hommes, que ne m’écrasiez-vous ?
   Ah ! plutôt vous deviez m’instruire
   A travailler au bien de tous.
   Mis à l’abri du vent contraire,
   Le ver fût devenu fourmi ;
   Je vous aurais chéris en frère.
Vieux vagabond, je meurs votre ennemi.

Béranger.