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LE JUIF ERRANT


Est-il rien sur la terre
Qui soit plus surprenant
Que la grande misère
Du pauvre Juif errant ?
Que son sort malheureux
Parait triste et fâcheux !

Des bourgeois de la ville
De Bruxelle en Brabant,
D’une façon civile
L’accostèrent en passant.
Jamais ils n’avaient vu
Un homme si barbu.

Son habit tout difforme
Et très mal arrangé
Leur fit croire que cet homme
Était fort étranger,
Portant comme ouvrier
Un simple tablier.

Ils lui dirent : « Bonjour, maître,
De grâce accordez-nous
La satisfaction d’être
Un moment avec vous :
Ne nous refusez pas,
Retardez donc vos pas.

— Messieurs, je vous proteste
Que j’ai bien du malheur ;
Jamais je ne m’arrête
Ni ici, ni ailleurs :
Par beau ou mauvais temps,
Je marche incessamment.