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copal en est littéralement étouffé ; au point qu’un mauvais plaisant se permettait naguère de demander si c’était bien la cathédrale qui avait fait tous ces petits.

Mais aussi pourquoi Sa Grandeur est-elle allée si singulièrement planter sa tente précisément là où Elle devait prévoir que les temples protestants finiraient par pulluler et envelopper la cathédrale d’un aussi formidable cercle hérétique ? Sa Grandeur a voulu, en dépit des plus sages conseils, suivre le courant protestant et Elle se donne l’air d’avoir la vue offusquée de tous ces temples protestants ! Mais grand Dieu, pourquoi donc est-Elle allée les chercher.

D’abord qui est responsable du long retard dont se plaint Sa Grandeur ? Elle y revient si souvent que les citoyens de Montréal peuvent à bon droit y voir la matière d’un reproche. Transportons-nous donc à dix-huit ans en arrière et voyons un peu ce qui se passait alors.

Une catastrophe terrible a lieu. Un quart de la ville est détruit. L’ancienne cathédrale, et le splendide Évêché tout neuf que l’on venait d’occuper, ne sont pas épargnés. La main de la Providence s’appesantit également sur le pasteur et le troupeau, et l’Évêque reste sans asile à lui.

Une pareille catastrophe devait nécessairement lui attirer la sympathie universelle, et en effet toute la population catholique de la ville, ceux qu’avait atteint l’incendie comme les autres, comprirent que la reconstruction de la cathédrale et de l’Évêché était l’une des plus urgentes choses auxquelles on dût songer.


IV.


Dans le premier moment Sa Grandeur avait, dans la chapelle de la Providence autant que nous pouvons nous le rappeler, bien assuré les fidèles de Montréal qu’une pareille catastrophe devait resserrer encore s’il était possible, les liens qui unissaient le pasteur au troupeau ; que l’on n’avait pas oublié, à l’Évêché, les grands sacrifices que les citoyens avaient faits pour ériger la cathédrale qui venait d’être détruite, et que plutôt que d’abandonner des gens auxquels tant de liens la rattachaient, Sa Grandeur consentirait volontiers à vivre dans une simple cabane de planches. Belle parole sans doute, mais dont la suite n’a pas démontré l’entière sincérité.

Mais les citoyens ne l’entendaient pas ainsi ; d’autant plus qu’aucune des graves erreurs qui ont été commises depuis quinze ans n’était encore venue contrister ou aliéner personne, et ils se mirent de suite en mesure d’aller offrir à Sa Grandeur non seulement l’assurance de leurs plus profondes sympathies, mais l’offre sincère d’une aide efficace pour la mettre en état de rebâtir d’une manière plus grandiose que jamais les édifices détruits.

Personne n’a oublié l’excessivement pénible impression que causa à la nombreuse réunion de citoyens qui avaient réellement cru aller au devant des désirs de Sa Grandeur, la raide et sèche réponse qu’ils reçurent alors. Non seulement l’offre de reconstruire ne fut pas acceptée ; non seulement il n’était plus question de la simple cabane de planches, mais Sa Grandeur rappela sévèrement à la réunion que la petite ville d’Albany construisait en ce moment là même une magnifique cathédrale ; et cela voulait clairement dire ; « Que ne doit donc pas faire la grande ville de Montréal. »

Que cela eût pu se dire dans le cours normal des choses, nous ne le nierons pas ; mais après la terrible catastrophe qui à ce moment là se chiffrait par des centaines de cheminées debout et autant de maisons rasées, la leçon parut encore plus décourageante que déplacée, d’autant plus que tous les citoyens sans exception voulaient sincèrement réparer grandement le désastre. Mais on resta ébahi devant la terrible antithèse de la demande qui venait d’être si directement glissée avec la suggestion, faite six semaines auparavant, de la simple cabane de planches.

Sa Grandeur devait en effet avoir complètement perdu le souvenir de ce mot quand Elle pouvait se résoudre à dire aux citoyens dans cette même réunion, qu’Elle ne voulait plus rougir de sa cathédrale comme Elle l’avait fait si souvent avant l’incendie. Le mot parut un peu dur alors à des gens dont la moitié était occupés à rebâtir les maisons que l’incendie venait de détruire. D’ailleurs, si Sa Grandeur rou-