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copie le modèle que l’on a fait faire, elles consentissent à des sacrifices aussi onéreux uniquement pour aider à réaliser un projet insensé et pour faire plaisir à un Évêque qui se refuse absolument à voir et à comprendre ce que tout le monde voit et comprend clairement autour de lui, peuple et clergé. Si les paroisses de la campagne savaient qu’on les engage sans le dire pour au moins vingt ou trente ans, peut-être y regarderaient-elles à deux fois avant d’accorder ce qu’on leur demande.

Quant à cette considération que Sa Grandeur ne peut laisser à son successeur le soin de réparer le désastre de 1852, nous pensons au contraire qu’il eût bien mieux valu, après les graves fautes commises, laisser cette question dormir jusqu’à ce que les auteurs des fautes eussent fait place à d’autres.

Personne ne tient Sa Grandeur responsable de l’incendie, Conséquemment Elle n’était pas le moins du monde personnellement tenue de réparer le désastre. C’est bien sans doute sa faute personnelle s’il ne l’a pas été de suite, mais maintenant que toute la grande et la petite tactique sont venues échouer devant le bon sens public, il valait certainement mieux ne pas réveiller cette affaire pour commettre une dernière faute, et la plus grave de toutes, celle d’aller se faire le centre d’un cortége de temples protestants, assez curieux moyen, pour un Évêque, de promouvoir les intérêts catholiques.

Il vaut bien mieux au contraire que cette importante question soit laissée maintenant à un successeur qui ne sera pas lié par le déplorable système d’erreurs et de fautes dont nous avons suivi avec chagrin le développement depuis quinze ans.

Quant au terrain de l’Évêché temporaire actuel, dont on voudrait aussi tirer un argument, il est bien clair qu’il peut se vendre plus de quatre fois ce qu’il a été payé, et qu’en y renonçant, Sa Grandeur aura encore fait une fort belle spéculation en l’achetant.


XVII.


Mais on dit qu’il est trop tard pour changer de projet, que les travaux sont commencés.

Cette raison peut sans doute influencer des enfants, mais non des hommes sérieux. Nous ne voyons, nous, dans cette hâte coupable de commencer les travaux avant de savoir si l’on obtiendra les moyens nécessaires, qu’une dernière petite ruse pour imposer à la ville une volonté qui se croit forte parcequ’elle s’opiniâtre contre la raison, l’évidence et le bon sens général. Sa Grandeur n’a commencé sitôt, décidément trop tôt pour un homme prudent, que parcequ’elle ne veut pas céder, parcequ’elle veut au contraire que tout cède à sa volonté. Mais où sont donc rendus les murs ! Eh ! les fondations ne sont pas rendues aux quart ! Ce commencement des travaux n’avait pas d’autre objet que de hâter les contributions de ceux qui ne songent qu’à obéir aveuglément même quand on fait des fautes à leur détriment, et d’opérer une espèce de prise de possession qui lierait d’avantage la ville à un projet absurde. Cela non plus ne réussira pas, car c’est encore de la ruse et de la tactique au service de l’obstination.

D’ailleurs il n’est jamais trop tard pour revenir d’une erreur, ou arrêter les conséquences d’une faute. Quand on voit la population intéressée à peu-près unanime à protester contre cette erreur ou cette faute, c’est montrer bien peu de considération à cette population, dont on admet avoir tant obtenu, que de s’obstiner jusqu’à la fin à faire ce qu’elle désapprouve.

Que Sa Grandeur veuille bien faire l’estimé des sommes que la population de Montréal a versées dans les œuvres de bienfaisance ; que Sa Grandeur veuille bien aussi songer un peu aux sommes énormes qu’elle a réussi à obtenir de cette population pour pousser l’entreprise si clairement illusoire dès l’abord de maintenir le Pape avec une poignée de Zouaves que le premier souffle de l’Italie unifiée devait faire disparaître comme les légères brumes d’une belle matinée d’automne ; et Elle verra peut-être que quand on a tant demandé et tant obtenu d’une population, on devrait au moins savoir respecter ses désirs sur une question qui intéresse gravement ses intérêts nationaux et sociaux.