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Ceux qui savent comment les choses se passent comprennent parfaitement comment ces actes spontanés s’obtiennent. Comment croire aussi spontanée qu’on le dit l’action d’un clergé qui, en majorité, blâme le site choisi ? Comment accepter cette action comme spontanée quand on entend les Curés se plaindre assez haut de l’importance des sommes que l’on exige d’eux ?

— Pourquoi payez-vous, alors, demandait-on à l’un d’entre eux ?

— Eh ! il le faut bien ! Pensez-vous que je vais m’exposer à être envoyé dans une petite cure où j’aurai peine à vivre ?

Voilà un mot qui nous paraît fortement ébranler le système de spontanéité que la circulaire offre à notre admiration. Et puis enfin ceux qui ont des rapports intimes avec Messrs. les Curés savent que dès avant le départ de Sa Grandeur, plusieurs de ces Messieurs protestaient contre le chiffre des sommes demandées. On se rappelle les difficultés assez graves que Sa Grandeur a eues avec plusieurs curés importants de son Diocèse pour cette seule et unique raison. Ceci encore nous paraît peu cadrer avec le système de la spontanéité, comme avec l’assurance que l’aide du clergé a été offerte à l’insçu de Sa Grandeur ; comme enfin avec l’affirmation que Sa Grandeur a en main des preuves irrécusables du bon vouloir de tous !


XVI.


Non ! Tous ces petits moyens ; toute cette tactique de petite adresse et de petits calculs ; toute cette malheureuse habitude de ruser avec les faits pour les présenter sous un jour favorable à la réalisation d’un désir que tout le monde repousse ; tout cela ne peut aller loin dans les projets sérieux.

Cela peut très bien faire, peut-être, dans l’organisation d’une confrérie, mais non dans la construction d’une cathédrale, quand on vient ainsi heurter obstinément de front l’opinion générale.

Nous devons le dire en toute franchise à Sa Grandeur. Cette assertion que l’action du clergé a été complètement spontanée et en dehors de la connaissance de Sa Grandeur a fait sourire nombre de ses meilleurs amis. Messieurs les Curés avaient un peu trop parlé pour que cette assertion pût passer inaperçue. Elle a exactement la même valeur que celle des preuves irrécusables. Elle nous a tout simplement rappelé la petite tactique de 1857, celle de mettre la cathédrale à l’enchère entre les différents quartiers de la ville. Cela ne pouvait pas réussir, de même que ce dernier petit moyen va réellement avoir nui plus qu’il n’aura servi.

Mais on nous parle aussi de l’accueil que les paroisses de la campagne ont fait au projet.

Nous savons bien qu’à la campagne on dit que la ville est unanime, comme, à la ville on parle de l’unanimité de la campagne. Mais c’est là encore ruser avec les faits. C’est encore là de la tactique qui nuit plus qu’elle ne sert. Si les paroisses de la campagne connaissaient exactement l’opinion véritable de la ville, elles verraient que les demandes excessives qu’on leur fait n’ont pas d’autre but que de parer au déficit énorme que l’on prévoit dans la ville. Et ici encore on fait une grave injustice à la campagne. Car enfin si les campagnes ont besoin d’un Évêque, elles n’ont aucun intérêt direct dans la construction de la cathédrale, car les pompes de la cathédrale ne sont pas pour elles. C’est la ville seule qui a tout à la fois besoin de l’Évêque et de la cathédrale. La question des réunions du Clergé ne concerne vraiment que les curés et non les fabriques. Pourquoi donc alors demander aux paroisses de la campagne des contributions aussi considérables que celles indiquées dans la circulaire ? La seule raison de ces demandes exagérées est la conviction où l’on est que la ville ne contribuera pas dans la mesure de ses moyens. Pourquoi ne le fait-elle pas ? Parce qu’on la maltraite. Mais en même temps on maltraite aussi la campagne en lui demandant ce que la ville refuse.

Nous doutons fort que si les paroisses de la campagne savaient qu’elles vont à elles seules, si le projet marche, fournir plus de la moitié des sommes nécessaires à la construction d’une cathédrale qui ne peut pas coûter moins d’un million de piastres si l’on