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entre deux soldats, aux gardes françaises : quels furent mon étonnement et ma surprise ! Je crus reconnaître cette chère couturière, mes yeux fixés sur elle rencontrèrent bientôt les siens qui, par leur embarras, m’en dirent assez pour faire un signe à cette femme qui, me reconnaissant alors, vint me témoigner sa joie ; je lui proposai de l’emmener avec moi ; mais elle me fit sentir en peu de mots à quoi je l’exposais ainsi que moi-même, si elle quittait tout de suite ces deux maudits soldats ; je me contentai là-dessus de lui donner mon adresse. Deux jours entiers se passèrent, mais le troisième elle vint enfin sur les dix heures du matin se jeter à mes genoux.

Je la fis relever et l’embrassai, après quoi je la fis asseoir à mes côtés, malgré l’état affreux où elle se trouvait, sans linge, sans habits, elle pouvait à coup sûr prêcher l’inconstance des choses humaines.

Un air triste et honteux semblait barrer son cœur, et lui coupa la parole.

Je le remarquai bien vite et pour la mettre plus à son aise et l’engager à me donner sa confiance, je lui fis ôter ses haillons et lui donnai tout ce qui était gé-