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moins les respects du peuple que leur haine.

Mon colonel, pour m’assurer mon existence, voulut que je me mette au nombre des comédiennes de Rouen. Je sais parfaitement aujourd’hui combien ce brillant état m’eût été avantageux, à cause de ma qualité de femme entretenue, dont les privilèges sont très-considérables, surtout quand elles tiennent à la comédie, mais lorsqu’on me le proposa, je regardai cela comme fort au dessous de moi, la fouterie seule faisait mon unique bien, remplissait seule tous mes désirs et mon cœur n’aspirait qu’à cela. Je l’aimais tant enfin, que chaque fois que mon complaisant colonel m’envoyait un soldat pour m’apporter quelque billet, que le soldat fût vieux ou jeune, n’importe, ce soldat avait également le droit de me foutre. Ce petit jeu eut été très-agréable pour moi, si au bout de trois mois il ne m’eut procuré une vérole bien conditionnée et des mieux assorties.

Lorsque je m’aperçus que j’en tenais, je délogeai sans tambour ni trompette, et avec le secours d’une montre que je ven-