Page:La belle Cauchoise, 1788.djvu/61

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 55 —


j’allais au spectacle ; mon amant me donnait tout ce qu’il me fallait.

Sûrement j’aurais été fidèle, je le sens, si je n’avais vu constamment que mon financier, mais il m’amenait souvent des hommes mieux faits que lui. Me croit-il donc sans discernement et ne devait-il pas savoir qu’aucune de mes chères consœurs les putains ne tiennent contre ces physionomies heureuses qui sont faites pour charmer ? C’est ce que j’éprouvai à la vue d’un jeune seigneur qui était de la compagnie ; à peine l’eus-je envisagé que je désirai d’être à lui ; il était fait à peindre, grand et bien bâti, des yeux noirs à fleur de tête, surmonté de deux sourcils de la même couleur, bien fournis, des joues bien remplies, des lèvres vermeilles, une jambe faite au tour ; comment un homme de cette façon pouvait-il manquer d’être aimé ? Je souhaiterais avoir à faire l’éloge de son esprit, mais il n’en avait pas. Eh bien ! en était-il moins aimable à mes yeux ? Bon ! une véritable et bonne putain n’aime que le plaisir, Vénus et la volupté, que l’on satisfait très-bien sans esprit, souvent mieux avec des hommes dont le génie