Page:La belle Cauchoise, 1788.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 42 —


m’établir ? Nenni, je suis trop bien instruite pour le faire. Sœur Prudence, pendant mon séjour au couvent, m’avait conseillé, lorsque j’en sortirai, d’aller à Paris. C’est là qu’une putain est véritablement libre. Cette bonne fille était trop de mes amies pour que je ne la crusse pas. Je pris donc le parti de me rendre à Paris. Je fus chercher en arrivant un lit à St-Gervais, au Marals[ws 1], où je restai trois jours et trois nuits comme c’est la coutume. Pendant le séjour que j’y fis, je cherchai condition ; je ne trouvai qu’une vieille mégère, qui m’offrit très-peu de chose, qu’il fallait cependant accepter ou me résoudre à mourir de faim. La nécessité seule me fit entrer chez elle ; car je n’étais point faite pour sympathiser avec cette bonne vieille, dont l’unique et journalière occupation était de prier Dieu. Ce métier m’ennuyait d’autant plus que je sortais d’une maison où je l’avais déjà fait malgré moi, et ma maîtresse m’entraînait toujours avec elle quand elle allait à l’église. Je me sais cependant bon gré d’y avoir été assidument, puisque si je ne l’avais pas fait, je n’aurais jamais été dans l’état brillant où la fortune

  1. Note de Wikisource : Il faut lire ici "Marais" et non "Marals" cf. édition de 1822, p. 47 : Gallica