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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

coussins, Serge s’endormit. Je pris Alexis dans mes bras ; il dormait debout, le pauvre gosse.

Nous fûmes rapidement à la maison.

Je suis lasse, je suis énervée, je suis malade. Oui, malade de peur, d’appréhension. Je redoute l’avenir.

Ma chambre est solidement close ; j’ai barricadé la porte, poussé les verroux, entassé les chaises sur les fauteuils ; je suis en sûreté. Tout dort, dans le Palais ; la nuit est silencieuse. Seul le grand-duc n’est pas encore rentré. Il m’attend, peut-être, l’imbécile !

Je ne puis dormir, je suis trop énervée. Que faire ? Rêver, penser ? Non, je ne veux plus penser, je ne veux ni regarder le passé, ni sonder l’avenir. Vivre le présent, tout est là.

Je vais me lever et écrire ; mais oui, je néglige mon journal ; je reste des jours et des semaines sans l’ouvrir. J’aurais trop de chagrin à lui raconter. Quand donc pourrais-je y mettre de la joie, des sourires, du bonheur ?

L’air est un peu lourd. Par la fenêtre entr’ouverte, j’aperçois la Néva baignée de lune,