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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

dans la chambre d’étude et plongent le nez dans leurs livres ; les domestiques se terrent au fond des offices et seule, la voix terrible du grand-duc résonne dans les salles immenses du palais, tels les rugissements d’un lion en fureur.

Le palais du grand-duc Alexandre est bâti tout proche des quais de la Néva, entre la perspective Newsky et les Jardins ; en face, de l’autre côté du fleuve, le Palais d’Hiver et les magnifiques hôtels de l’aristocratie pétersbourgeoise.

C’est une immense maison aux murs épais, lourdement décorée de piliers, de cariatides et de colonnes, et où l’on pourrait loger facilement tout un régiment de cosaques. À propos de cosaques, un poste de ces terribles soldats se tient en permanence au rez-de-chaussée du château, depuis que le grand-duc a failli recevoir une bombe sur la tête. Je crois qu’il ne l’a pas volée, cette bombe-là ; à l’office, on m’a raconté de terrifiantes histoires de meurtre et de viol où le grand-duc doit avoir joué un rôle prépondérant. Et cela ne m’étonnerait pas. Il a une tête à ça, cet homme.