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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

claquât une nuit, au restaurant, en pleine bombe, et que ça soit fini. Ça me ferait une chouette réclame dans les journaux.

Et je ne voudrais pas non plus qu’il souffrît. Après tout, c’est un brave homme qui ne ferait pas de mal à une mouche. Et le soigner, rester de longues heures à son chevet, dans une atmosphère d’acide phénique, jusqu’au râle, brrr… Ça me fait frissonner. J’en ai trop vu, à l’hôpital, quand je travaillais… Je ne voudrais pas recommencer.

Dieu, que je suis fatiguée, quelquefois. On ne se figure pas comme c’est éreintant de ne rien faire, que la noce. Ce qui m’agace par-dessus tout, ce sont les essayages chez Paquin ou chez Boué sœurs… les mannequins insolents qui devinent tout de suite votre profession et qui vous traitent d’égale à égale, les grandes dames qui vous regardent du haut de leur face à main d’un air dédaigneux… Peuh ! une fille !

Tas de mijaurées, va ! J’aime encore mieux les modistes. Chez elles, on se sent en famille, on est du même bord. Il y a autant de boue sur leurs robes que sur la mienne, seulement on ne se le dit pas.