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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

garda un silence hautain. Dans une petite valise, il empila ses vêtements, ses livres, tout son avoir…

Dans sa poche, il avait encore l’argent que je lui avais donné, le matin même. Il le lança à mes pieds, d’un geste de dégoût.

Moi, affaissée, douloureuse, le cœur brisé, je regardais mon petiot qui s’en allait et je ne sus pas l’attendrir ; je sentais trop ma honte, j’étais trop coupable…

Quand il eut terminé, il prit la valise et ouvrit la porte. Je voulus m’élancer pour l’empêcher de partir, mais il m’évita comme s’il eût craint de se salir en me touchant. Et sur le seuil, il me lança le terrible, le désespérant adieu… Puis, il referma la porte et descendit l’escalier en courant… J’étais seule.

Après, je ne sais plus. Je m’évanouis et je ne revins à moi que très tard, dans la nuit.

Mais mon esprit malade n’était plus capable de lier une idée ; j’avais une impression d’isolement absolu, de chute dans un désert immense où j’étais perdue ; et je m’étonnais de raisonner froidement et d’envisager sans trouble et sans protestation ma situation d’abandonnée…