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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

honte, avec mon immense regret, avec mon affreux désespoir.

Je suis seule, Georges est parti ; il m’a quittée. Ah, je sais bien que c’est ma faute et qu’il a eu raison de m’abandonner, mon petit ; je sais bien qu’il ne pouvait tolérer le fait accompli, puisqu’il m’aimait. Mais pourquoi ne m’a-t-il pas tuée, dans son indignation ? Pourquoi s’en est-il allé, en me laissant, avec la vie, l’épouvantable regret de l’avoir perdu. Ah ! Georges, mon petit soleil, mon petiot…

En me quittant, il a eu un rire de mépris : — Tu te consoleras… avec le colonel, dans un petit entresol…

L’entresol de la rue Pigalle ! Oui, je l’ai, mon entresol, et, par dessus le marché, j’ai le colonel. Je suis une petite entretenue, je fais le truc en grand, maintenant, je suis une putain calée, avec des chiffons en soie, des dentelles, des diamants, de l’or…

Mais Georges, Georges ! Lui, il est perdu, il est loin, il n’existe plus, et c’est fini ! Ah ! comme je regrette notre chambrette, notre lit d’où s’élevait la voluptueuse chanson d’amour, notre intimité douce, malgré la gêne et la misère !