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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

pour quitter Paris et qui viennent ici chercher une illusion ; ils allaient en bandes, à petits pas, sous l’ombre, râpés, misérables, mais gais tout de même. Beaucoup d’étudiantes aux cheveux mal peignés, coiffées d’étranges chapeaux et lourdement attifées dans des toilettes baroques riaient et causaient fort, avec un accent dur. Naturellement, il y avait aussi beaucoup de filles, presque pas vêtues, sans corset et en jupons, qui étalaient des nichons flasques et lourds sous des corsages transparents.

Je m’étais assise sur un banc non loin du kiosque et je m’abandonnais à la somnolence douce de cette journée trop chaude ; les groupes qui passaient près de moi ne m’apparaissaient plus qu’au travers d’un brouillard lumineux et je sentis que j’allais m’assoupir, quand, tout à coup, une grosse voix claironna tout près :

— Tiens, Juliette, qu’est-ce que tu fiches là ?

Réveillée en sursaut, j’ouvris de grands yeux. Louisa était devant moi, qui s’éventait à coups rapides, rouge et en sueur, le corsage entr’ouvert, la gorge presque étalée.