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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

leurs des carabins qui fument des cigarettes pour ne point sentir l’odeur de misère qu’ils ont gardée.

C’est la vie ! D’un côté, l’abondance, le trop plein, qui font se gonfler les ventres, s’épaissir les membres, se boursoufler les chairs… D’un côté, l’infâme gaspillage, le jeu, la noce et le reste…

D’un côté, la rapacité, l’accaparement, l’égoïsme féroce…

Et de l’autre, les figures pâles, les yeux enfoncés, les joues creuses, les bouches voraces, les poitrines sanglantes, les ventres affamés, les corps maigres, les mains avidement tendues dans le vide…

De l’autre côté, le froid, la faim, le désespoir…

De l’autre côté, l’épouvante du présent, l’horreur du passé, l’effrayante interrogation de l’avenir, la nuit sans gîte, le jour sans repos, les haillons, la saleté, les sergents de ville, la prison…

Au bout, la mort ! Ah ! malheur !!!

Comme je comprends ceux qui saisissent un surin et qui tuent !

Comme j’excuse ceux qui volent, ceux qui cambriolent, ceux qui détroussent !