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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

coup et cela me peine ; elle a si peu de santé, la pauvre.

Moi, je tombe de fatigue, le soir, mais quand même, je suis bien contente. Je me porte bien et après une nuit de sommeil, je suis de nouveau fraîche et vaillante.

Il fait un froid ! Hier, le thermomètre marquait — 16°, ce qui est rare à cette époque de l’année. Mais dans nos salles, il fait chaud, il fait bon. Les malades se terrent au fond de leur lit et on voit qu’ils sont heureux de n’être pas dehors. Aussi les demandes de sorties sont-elles rares.

On nous amène chaque jour des pauvres vieux tout blêmes et transis, des malheureux sans gîte et sans pain, ramassés dans les rues où le froid, la misère, l’âge les ont terrassés. Ah ! les pauvres bougres.

Quand on les a bien lavés, qu’ils ont revêtu une chemise propre et qu’ils entrent dans leur lit, la plupart pleurent d’attendrissement devant cette béatitude d’être au chaud, de n’avoir plus froid, plus faim et de dormir… Et ça fait pitié de soigner leurs misères, des plaies affreuses, des asthmes chroniques qui les suffoquent, des rhumatismes qui les tordent…