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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

malade n’avait pas la température normale, Pierre se fâchait.

— Non mais, monsieur a donc des rentes pour se payer la fièvre, quoi !

Les malades se tordaient, naturellement.

Avec moi, ils n’osaient pas trop plaisanter, et gardaient une certaine réserve. Dame, j’étais encore trop nouvelle ; ils se gênaient.

Après le dîner, la journée est finie, c’est au tour du veilleur à prendre son service et les infirmiers sont libres jusqu’à dix heures.

Ce fut une débandade de tout le personnel empressé à quitter pour quelques instants l’atmosphère triste de l’hôpital ; à sept heures, il n’y avait plus dans le vaste établissement que quelques vieilles, revenues des erreurs de ce monde ou des mélancoliques comme moi, trop heureuses encore de pouvoir se recueillir un peu en envisageant l’avenir.

Et l’avenir m’apparaît souriant ; je me vois, vivant une, deux années ici, comme simple fille de salle, puis, montant en grade, arriver infirmière, puis surveillante, puis… Et peut-être trouverais-je un gentil petit mari, pendant ce temps… Nous vivrons bien modestement en réunissant nos forces et nous nous