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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

Moi, j’allais comme une promeneuse insouciante, le nez en l’air, les hanches lascives, tenant à deux mains mes jupes, et je passais ainsi, sans avoir l’air d’y toucher.

Je sortis du jardin, en face de la rue Soufflot. Un embarras de voiture me força à demeurer sur le trottoir un instant. Le monsieur hâta le pas et me rejoignit. J’esquissai un sourire enjôleur auquel il répondit ; puis, passant à côté de moi, il me souffla sans s’arrêter :

— Je marche devant ; suivez-moi.

Nous descendîmes la rue Monsieur-le-Prince. Vers le bas s’ouvrent les couloirs hospitaliers de plusieurs hôtels borgnes, à côté du Moulin-Rose.

Mon amoureux entra dans un de ces couloirs et m’attendit. Quand je l’eus rejoint, il gravit les marches et pénétra dans le bureau de l’hôtel, cependant que je demeurais sur le palier. Une grosse commère bouffie et flasque s’avança avec empressement.

— Bonjour, monsieur Jules… une chambre, n’est-ce pas ? Je vas vous donner le 9, vous savez, la jolie chambre bleue sur la rue…

Le monsieur acquiesça, plein de condescendance.