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LE JOURNAL D’UNE MASSEUSE

Elle me serre la main et je sors. C’est plus fort que moi ; j’ai envie de pleurer.

Il me semble que si Cécilia avait fait la grande scène, si elle avait jeté le cri vengeur : « Traître, tu vas mourir » avec des flots de larmes et des coups de pied aux meubles, j’aurais été moins émue ; mais cette froideur forcée, cette apparente indifférence sous laquelle percent quand même un regret et une souffrance, me retournent le cœur.

À peine dans ma chambre, je sanglote comme une Madeleine, vautrée à plat ventre sur le lit. Ça dure peu, heureusement. Dix minutes après, je fredonne Viens, Poupoule. J’empile mes jupons et mes robes dans ma malle ; je serre mes bijoux, je compte mon argent…

J’ai de l’or, cent louis environ. Cela me rassérène. Avec ça, on peut attendre.

J’ai un regret, cependant ; il m’est pénible de quitter cette chambre si gentille ; je ne verrai plus, de ma fenêtre, la course rapide des voitures sur l’avenue, la flânerie des piétons et la verdure. Je retourne à l’hôtel, avec la perspective d’une chambrette morose et malpropre, et, pour horizon, des murs lépreux.