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NOTICE SUR LE GONIDEC.

nouveaux, du côté de l’Est une croix sera gravée ; du côté de l’Ouest, cette épitaphe :

Peûlvan, diskid d’ann holl hanô Ar Gonidek,
Dén gwiziek ha dén fûr, tâd ar gwir brézonek.

Au-dessous, le médaillon de Le Gonidec, et plus bas :

Ganet é Konk, 4 miz gwengôlô, 1775,
Marô é Paris, 12 miz hêré, 1838.
Béziet é Konk…

Le pays répondra à cet appel ; la Bretagne doit se glorifier de sa langue comme de la plus ancienne de l’Europe ; elle doit l’aimer comme conservatrice de sa religion et de sa moralité.

En face de la civilisation nouvelle, Le Gonidec a fait ceci que le breton est écrit au dix-neuvième siècle avec plus de pureté qu’il ne le fut depuis l’invasion romaine. La mort du breton, si Dieu le voulait ainsi, serait donc glorieuse. Il faut l’avouer, la langue écrite avait suivi la décadence de la nationalité bretonne. Cette décadence date même de loin, à en juger par le Buhez Santez Nonn, ce mystère antérieur au douzième siècle, traduit encore et avec tant d’habileté par l’infatigable savant. Les écrivains, sans renoncer aux tournures celtiques, aimèrent trop à se parer de mots étrangers. Or, c’est ce désordre qu’a voulu chasser l’esprit critique de Le Gonidec. Et, chose merveilleuse dont nous-même avons fait l’épreuve en plus d’une chaumière, ses textes, sauf quelques mots renouvelés, sont bien de notre temps et lucides pour tous. Il ne descend pas vers le lecteur, mais il l’élève à lui. Ce n’est plus ce style franco-breton qui ne présente à l’esprit qu’un sens confus et d’une couleur effacée, mais un style sincère et originel qui, lorsque l’ancien mot a été reconnu et saisi, fait briller les yeux du paysan breton et va remuer dans son cœur les sources vives du génie celtique. Ce mouvement donné à la littérature nationale peut se continuer. M. Troude possède la science du maître. Le roman de Kastell-ker-Iann par M. Laouénan, le Buhez Sant Korintin par M. Geslin, tous deux prêts à paraître, rivaliseront avec ce qu’il y a de mieux dans les dialectes de Léon et de Cornouailles. On peut dire de M. de Goesbriand qu’il sait mettre dans ses écrits la naïveté de la langue parlée. D’autre part, les bardes populaires n’ont jamais été plus nombreux : déjà la mort de Le Gonidec, célébrée par Lédan. est connue dans les campagnes, et l’aveugle Iann-Ar-Gwenn parcourt, en chantant ses propres chansons, tous les marches et les pardons du pays de Tréguier. Le zèle des archéologues MM. de Frémenville, Souvestre, Kerdanet, Habasq, n’est pas moindre. Enfin notre littérature regrettera moins ses anciens bardes, quand M. de la Villemarqué aura publié ses collections de chants populaires, et Mme de Saint-Prix sa bibliothèque de mystères.

Une doctrine un peu large doit aimer, en regard même du génie de la France, cette variété du génie breton. Pour tenir à tous les sentiments généraux, ne brisons pas les sentiments particuliers où l’homme a le mieux la conscience de lui-même. L’idiome natal est un bien puissant : soyons donc fidèles à notre langue natale si harmonieuse et si forte au milieu des landes, loin du pays si douce à entendre ?

A. BRIZEUX.