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SUR LE GONIDEC.

La science avait réservé à la vieillesse de cet homme une place tout exceptionnelle. Mis à la retraite en 1834, il dut revenir à Paris et chercher dans une maison particulière le travail nécessaire pour nourrir sa famille. L’administration des Assurances générales, dirigée par M. de Gourcuff, est, on le peut dire, une colonie de Bretons : M. Le Gonidec eu devint l’âme, pour ceux-là du moins qui, sous la modestie des formes, devinaient la noblesse de la pensée s’exprimant par le plus pur langage. Ces Bretons ne se lassaient pas d’entendre si bien parler la langue de leur pays ; lui, en parlant de la Bretagne, se consolait de vivre forcément loin d’elle. C’était là que lui arrivaient de hautes et savantes correspondances, et qu’une députation de ses jeunes compatriotes le pria, en 1838, de présider leur banquet annuel. A cette fête, qui fut comme le couronnement de sa vie, il répondit dans l’idiome national a une allocution de M. Pôl de Gourcy ; on se rappelle ces dernières paroles :

« Fellet éo bet d’in tenna diouc’h eunn dismantr didéc’huz iez bon tadou, péhini a roé dézbô kémend a nerz. Ma em eùz gréât eunn dra-bennag évid dellezout hô meûleûdi, é tléann kément-sé d’ar garantez évid ar vrô a sav gañd ar vuez é kalounn ann hoU Vrétouned. Na ankounachainn biken al lévénez am eùz merzet enn deiz-mañ, é-kreiz va miñouned, va Brétouned ker. Keit ha ma vézô huez enn ounn, va choun a vezô évit va brô. »

Mot à mot :

« J’ai voulu tirer d’une ruine inévitable l’idiome de nos pères, lequel leur donnait tant de force. Si j’ai fait quelque chose pour mériter vos éloges, je le dois à l’amour du pays, qui naît avec la vie dans le cœur de tous les Bretons. Je n’oublierai jamais la joie que j’ai trouvée en ce jour, an milieu de mes amis, mes chers Bretons. Aussi longtemps que la vie sera eu moi, mon souvenir sera pour mon pays. »

Tels furent les souhaits de vie qui accueillirent l’auteur de ces simples et touchantes paroles, telle la vénération qui, durant toute cette solennité, entoura l’illustre président, que son sang aurait dû se raviver au contact d’une si ardente jeunesse. A quelques jours de là, cependant, un mal cruel le saisit. Le Gonidec reconnut vite le terme inévitable, et, chrétien, se soumit une dernière fois à sa devise bretonne : Ioul Doué, volonté de Dieu. Après cinq mois de continuelles douleurs, il expirait le vendredi, 12 octobre 1838.

Son convoi a été suivi jusqu’au cimetière Montmartre par un grand nombre de ses compatriotes. Là, celui qui écrit cette notice, rappelant devant sa tombe les grands et nombreux travaux de Le Gonidec, a demandé que la Bretagne ne laissât point dans un cimetière étranger celui qui avait si bien mérité d’elle, mais l’ensevelît dans sa ville natale du Conquet, sous une pierre druidique.

A la suite de ce convoi, une commission formée de MM. F. de Barrère, A. Brizeux, Alfred de Gourcy, A. de Kerdrel, Edmond Bobiaet, Émile Souvestre, a arrêté ces deux articles :

1o Du consentement de la famille, une souscription est ouverte dans le but de transporter au Conquet, sa ville natale, les restes de M. Le Gonidec.

Le Téven (où une place serait bénite) est le lieu provisoirement choisi pour cette sépulture. De cette dune, qui forme du côté de la baie du Conquet, la tombe se verrait et de la ville et de la mer.

2o Un men-hir ou peûlvan de forme druidique s’élèvera sur la tombe. Mais pour que ce men-hir, eu conservant la forme du passé, annonce aussi l’esprit des temps