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ESSAI SUR L’HISTOIRE

toliques, sans cesse renouvelées dans tous les évêchés bretons, en lui apprenant les divers dialectes de la langue, et lui faisant, comme il disait, trouver sa patrie partout, devaient le mettre plus qu’un autre à même de mener cette entreprise à bonne fin : nous verrons s’il y réussit complètement. En 1752, dom Le Pelletier, religieux Bénédictin delà congrégation de Saint-Maur, vint à son tour prêter l’appui de ses lumières à la renaissance bretonne, par la publication de son dictionnaire in-fo breton-français. Il l’écrivit surtout pour conserver les expressions propres de la langue bretonne, que « plusieurs ecclésiastiques, dans l’enseignement quotidien de la religion, laissent se perdre, dit-il, trouvant plus commode d’emprunter les mots du français que de les chercher dans le breton. » Imprimé aux frais des Etats de Bretagne, dont certains membres Hauts-Bretons, trompés par le titre, se méprirent sur les intentions purement nationales et philologiques de l’auteur, cet ouvrage, qui éclipsait tous ceux du même genre publiés avant lui, produisit d’heureux effets, malgré le discours préliminaire de Taillandier, ses vues étroites, fausses et peu patriotiques. Dom Le Pelletier, le premier, avec l’autorité que lui donnait sa qualité de Bénédictin, introduisit un peu d’ordre et de méthode dans l’étude, jusque-là confuse et sans critique, de la langue bretonne. 11 a ouvert l’ère nouvelle et préparé les voies aux travaux supérieurs et parfaits de Le Gonidec, à qui je me hâte d’arriver.

Mais, à la fin du siècle où ils naquirent tous deux, une grande révolution éclatait. La Bretagne qui, devenue province française, avait cependant su maintenir, avec une administration distincte de celle de la France, les restes de ses anciennes libertés, perdait jusqu’à son nom. Elle se voyait enfermée dans des limites arbitraires, et divisée administrativement en cinq départements : un purement français, celui d’Ile-et-Vilaine, embrassant les anciens évêchés de Dol, de Rennes et de S.-Malo ; un tout breton de langue, de mœurs et de costumes, le Finistère, formé des deux évêchés de Léon et de Cornouaille ; et les trois autres, plus ou moins bretons et français, les Côtes-du Nord, réunissant les évêchés de Tréguier et de Saini-Brieuc ; le Morbihan, représentant celui de Vannes, et la Loire-Inférieure, celui de Nantes.

En même temps, la vieille société aristocratique se dissolvait ; les prêtres, violemment expulsés des presbytères et des églises, étaient cachés ou en exil ; le culte était détruit ; la défense de l’autel et du foyer armait les populations bretonnes, comme toujours rebelles au joug, qu’il vînt des rois ou des tribuns. Trop jeune pour se mêler à des dissensions cruelles, dont gémissait l’humanité, Le Gonidec fuyant l’échafaud, où son nom seul l’avait fait monter, et auquel il avait échappé comme par miracle, consacrait, déguisé en paysan, dans une retraite du Léon, les loisirs tourmentés que la révolution lui faisait, à apprendre méthodiquement la langue du peuple dont il portait le costume national. L’atticisme proverbial du langage usité autour de lui, qu’il avait parlé jusque là, sans étude, et les leçons d’un vieil antiquaire enthousiaste, qui lui prêta l’ouvrage de dom Le Pelletier, déridèrent sa vocation scientifique. Un voyage forcé chez les Bretons d’Angleterre, alors occupés de la vaste publication de leurs documents littéraires, et par lesquels il fut accueilli comme un frère de sang et de