Page:La Villemarqué - Dictionnaire français-breton de Le Gonidec, volume 1.djvu/43

Cette page n’a pas encore été corrigée
xxxiij
DE LA LANGUE BRETONNE.

arrêt remarquable : « Ayant appris que quelques recteurs (curés), ignorant l’idiome vulgaire des Bretons, ont obtenu des églises paroissiales contre les dispositions du droit et les statuts de la province, nous leur enjoignons de résigner leurs églises entre les mains de l’ordinaire (i). » On le voit, ce n’était au moins pas sans résistance que l’idiome étranger pénétrait en Basse-Bretagne ; chose remarquable ! il en éprouvait même de la part de plusieurs de ceux qui le savaient. « Quoique beaucoup d’entre les Bretons bretonnants sachent le français, disait, au xve siècle, le biographe de saint Vincent-Ferrier, un grand nombre pourtant ne veulent parler que leur langue (2). » Grâce à cette résistance, le breton qui était, avec le latin, l’idiome officiel des statuts synodaux, au xiiie, xive et xve siècle (3), était encore employé dans les actes en 1441 (4) ? dans les livres d’heures de la noblesse en 1486, à l’exclusion du français (5), et il ne perdit pas ses limites du xiie siècle ; quatre cents ans après, elles étaient encore les mêmes. Alain Bouchart, en 1490, nous les indique avec précision : « En troys éveschez d’icelle province, fait-il observer, comme Dol, Rennes, Saint-Malo, on parle le langage françois ; en troys autres, Cornouaille, Saint-Pôl-de-Léon et Tréguier, on ne parle que breton ; et en Vannes, Saint-Brieuc et Nantes ( le bourg de Batz et ses environs, fief de Cornouaille), on parle communément françois et breton. » De sorte qu’une ligne tirée de Tembouchure de la Vilaine à l’Océan, près de Châtelaudren, et passant par Elven et Loudéac, séparerait assez bien les Bretons bretonnants et les Bretons gallos, et préciserait la géographie de la langue bretonne, au point où nous sommes arrivés. Au-delà de cette ligne, le breton était l’idiome de la nation prise en masse ; en deçà, on parlait généralement une espèce de patois roman.

Il nous reste à étudier, comme précédemment, les monuments écrits de la langue bretonne, pendant la période qui nous occupe.

Quoiqu’ils soient plus nombreux qu’on ne le pense communément et que j’en puisse citer plusieurs, je me borne à choisir pour sujet d’examen les suivants :

1o Le Brud er brénined énéz Bretaen ou la Chronique des rois de l’île de Bretagne, ouvrage en prose, composé au viiie siècle, au monastère de Gaël, en Armorique, par saint Sulio ou S. Y-Sulio, et remanié au xiie, en Galles (6).

2o La Buhez santez Nonn ou la Vie de sainte Nonne, mise en vers sous la forme d’un mystère, ouvrage dont la première et la seconde parue sont du xiiie siècle ; la troisième, concernant l’épiscopat et la mort de saint Dè-

[1]

  1. His præcipimus ut ecclesias resignent in Il est référé dans une production du 15 manibus ordinarii. (D. Lobineau. T. II, col. mars 1571 et décrit de la manière suivante : 1609.) « Livre en latin et en breton, contenant tous (2) Sunt quidam populi quos Galli vocant les cours des dîmes, en chacune paroisse, par Britoncs br’Uonizanles… quamvis plurimi eo- ordre, avec les noms des sujets audit devoir, rum Gallorum linguâ loqui sciant, multi ta- etc. » (Lanjuinais. Mémoire sur l’origine des men non nisi suâ linguâ loquuntur. (Bolland. dimes. Rennes. Vatar. 1776.) april. T. I. p. 495. ) (5) Voyez plus loin. (3) J’ai entre les mains, dit le P. Grégoire, (6) Musée britannique. Bibholh. Coton. les statuts synodaux de Léon, du xur, xi’ et M» in-4o vel. Cleop. B. G. 5. 19. A, put)lié, XV* siècle, sur vélin, en latin et en breton, d’après un autre manuscrit moins ancien, (Dict. Préface, p. 9. ) dans l’Archœol. of Wales. T. II, p. 81.