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ESSAI SUR L’HISTOIRE

était à peu près de même qu’à la fin du ixe, pour les ouvrages copiés par des mains bretonnes ; la seule différence consiste dans l’emploi pur et simple du δ grec substitué au dh, au dd ou au z ; dans celui d’un u particulier, pour désigner le son w, et dans l’exclusion très-fréquente de l’i remplacé par u, qu’on voulut peindre le son de l’i ou celui de l’e muet français. Je n’ai rien à dire ici des permutations des lettres : elles avaient lieu seulement dans la langue parlée. Ce n’est que postérieurement aux siècles dont nous nous occupons que les auteurs bretons ont eu l’heureuse idée de reproduire pour les yeux, dans la langue écrite, les altérations suivies par les consonnes initiales, en vertu de lois grammaticales ou euphoniques : les anciens écrivains donnaient les mots sous leur forme radicale, laissant au lecteur instruit à faire les permutations, s’il lisait tout haut (i). Cette méthode, qui avait le grave inconvénient de faire écrire autrement qu’on ne prononçait et qui devait être naturellement réformée, nous permet cependant aujourd’hui de saisir les expressions celtiques beaucoup mieux que dans les écrits grecs et latins, où elles se trouvent généralement _, comme on l’a vu, sous leur forme orale et à l’état de construction. Il va sans dire que les voyelles et les consonnes, dont le corps même des mots est formé, se présentent à nous de manière à nous montrer des contours et des proportions qu’ont naturellement altérés les langues étrangères. Ces contours et ces proportions sont fort remarquables ; les consonnes qui soutiennent les syllabes et donnent au mot sa forme, ont une force très-grande qu’elles doivent à leur nombre et à leur solidité : l’étude de l’alphabet breton nous en fait voir le système complet, où chacun des trois organes de la voix humaine, les lèvres, la langue et la gorge, produit trois articulations douces, fortes et aspirées, comme les touches d’un orgue articulent les sons. Les voyelles, élément beaucoup moins essentiel, que je comparerais volontiers aux tuyaux inintelligents du même instrument, sont très-riches, et de leur réunion naissent des diphtongues singulièrement variées et éclatantes. Elles donnent aux mots de la majesté par les longues, de l’élégance par les brèves, de l’ampleur par les désinences dans toute leur plénitude, leur étendue et leur sonorité. C’est bien là l’idiome d’un peuple chez lequel la poésie et la musique étaient aussi intimement unie» que la langue l’est à la pensée, et dont les bardes, à la fois poètes et musiciens nationaux, en même temps que législateurs de l’état littéraire, avaient fait un art, ayant son code spécial (2). Du reste, ces qualités ne sont pas particulières au breton : elles sont celles de toutes les langues jeunes. M. Ampère l’a dit avec autant de bonheur que de justesse : « elles commencent par être une musique, et finissent par être une algèbre. »

Du V* siècle au xii*", la langue bretonne n’a éprouvé aucun changement sous le rapport qui nous occupe. Il n’en a pas été de même quant à l’étendue de son vocabulaire ; si le dépouillement qu’on en peut faire, glace aux n)onumenls parvenus jusqu’à nous, nous offre le même fonds primitif que les dialectes gaëls, s’il exprime de la même manière tout ce

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  1. Nous avons cru de noire devoir de suivre Icment en arrivant aux temps modernes que la raelhode de ces derniers, quelque bizarre nous changeons de système avec la coutume, qu elle semble aujourd hui et contrairement (2) On l’a public dans le troisième volume à 1 éditeur de 1 ArchéfAogie galloise, dans les du Myvyr. archaiology of wales. citations que nous faisons ci-après j cest seu-